7 Oct, 2014
Un temps donnée favorite, l’écologiste Marina Silva est arrivée troisième, avec 21,3% des voix. Les Brésiliens, désireux de changements mais inquiets sur leur avenir, ont opté pour la sécurité : ils s’offrent un duel classique entre la présidente de gauche Dilma Rousseff et le social-démocrate Aecio Neves pour le second tour de l’élection présidentielle le 26 octobre. Ils ont finalement éliminé l’atypique candidate écologiste Marina Silva, l’ex-favorite surprise de cette élection, dont la promesse d’une «nouvelle politique» mi-droite mi-gauche en rupture avec le jeu des grands partis présentait finalement plus d’inconnues que de certitudes.
La grande surprise du premier tour de l’élection de dimanche a été également la force avec laquelle le sénateur Aecio Neves, longtemps distancé dans les sondages, a surpassé Marina Silva, l’autre candidate du changement.
Candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir depuis 12 ans, Dilma Rousseff s’est imposée avec un score attendu de 41,6%, devant Aecio Neves, à 33,6% – alors que les derniers sondages de samedi le créditaient d’à peine 27% – et Marina Silva, reléguée à 21,3%.
«Aecio Neves renaît de ses cendres et arrive au second tour en force. Je crois que Rousseff et Neves ont chacun 50% de chances de l’emporter. La campagne va être très courte et très intense», a commenté pour l’AFP l’analyste politique André César, du cabinet de consultants Prospectiva. «L’électeur brésilien a voulu voter pour ce qu’il connaît. Les partis traditionnels se sont imposés», explique David Fleischer, de l’Université de Brasilia. Au cours des 20 dernières années, les présidentielles brésiliennes ont toutes été des affrontements entre le PT de l’ex-président Lula (2003-2010) et le PSDB de l’ancien président Fernando Cardoso (1995 et 2002).
REPORTS DE VOIX
Paradoxalement, la victoire finale va se décider autour «des reports de voix déterminants» des électeurs de Marina Silva entre les candidats des deux grands partis de la «vieille politique» qu’elle voulait enterrer, souligne Barcelos Vargas, analyste de la Fondation Getulio Vargas. «S’ils votent majoritairement pour Aecio Neves, alors celui-ci sera en condition de l’emporter au second tour», ajoute-t-il. Marina Silva et Aecio Neves ont cumulé à eux deux 55% des voix en faveur du changement. Les enquêtes d’opinion effectuées jusqu’à présent montrent que 60% des électeurs de Marina Silva voteraient pour Aecio Neves, alors qu’elle a été militante du PT pendant 30 ans et ministre de l’Environnement de Lula.
Les résultats du premier tour montrent qu’une grande partie de la campagne se jouera dans le sud-est du pays, la zone la plus industrialisée et peuplée du pays avec de grandes capitales comme Sao Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte. Marina Silva y a enregistré des scores bien souvent supérieurs à sa moyenne nationale. C’est là que les jeunes des classes moyennes avaient majoritairement protesté pour l’amélioration des services publics et contre le système lors de la fronde de juin 2013.
«Il existe un désir de changement, des personnes mécontentes de la détérioration de l’économie, spécialement dans les classes les plus favorisées, mais la défense des conquêtes du PT a aussi beaucoup de force au sein de l’électorat», souligne Joao Augusto de Castro Neves, de Eurasia Group, pour qui Dilma Rousseff reste favorite. «Ce n’est pas seulement quatre ans de Rousseff mais douze du PT, avec croissance économique, hausse du salaire minimum et mise en place des programmes sociaux», précise-t-il.
«La présidente est favorisée par les puissantes structures du PT, l’administration publique et une ample alliance de partis. Mais elle a contre elle une économie en berne sans perspectives d’améliorations», analyse André César. «Neves, lui, part avec beaucoup de force, avec un parti structuré et des militants encouragés par le résultat, mais il lui faudra aussi conquérir les indécis, le ferme soutien de Marina Silva et combattre la peur des Brésiliens d’un changement qui pourrait leur faire perdre les bénéfices sociaux».
«Le PT et le PSDB vont se disputer chaque vote», prévoit Daniel Barcelos Vargas, analyste de la Fondation Getulio Vargas.