17 Sep, 2014
Chapitre 19. De mon arrestation à Mbulula, mon transfert au cachot de l’AND/Lubumbashi via Kalemie et de ma liberation.
Le soir de la levée du deuil, la distribution des boissons avait déjà commencé lorsque je dis au revoir à ma mère. La tante Chekanabo était là ainsi que papa Sixte. Certaines personnes non-membres de ma famille directe tenaient aussi à entendre tout ce que je disais. Ce fut le cas de Marcelline Katuba qui fut réprimandée par maman Chekanabo.
Mon épouse décida malgré sa grossesse à terme de me suivre partout où je serais améné.
Je pris avec moi un bidon de lumay may et de la viande de singe que mon grand-oncle maternel Mayani m’avait offert. Je n’eus pas l’occasion de les consommer pendant le triste voyage.
Le véhicule quitta Mbulula quand les bambuli de Kayanza y arrivaient. Je les avais personnellement invités malgré les avis contraires de papa Sixte et regrettais de ne pouvoir pas les encadrer.
Le soleil était déjà à l’horizon lorsque le véhicule atteignit les limites de la zone de Kongolo. C’est vers minuit que nous nous arrêtâmes devant la résidence du Commissaire de zone de Nyunzu qui n’était autre que le citoyen Shindano Nduwa anciennement à Kongolo
Papa Lipu fut extrait du cachot où il était gardé et ensemble nous étions amenés nuitament à Kalemie. Le chauffeur s’égara en prenant la route de Manono puis retourna vers Nyunzu pour prendre la bonne direction. Il faisait déjà clair lorsque le bac de Nyemba nous fit traverser la rivière Lukuga. J’admirai les hippopotames pendant la traversée et trouvai quelques minutes pour encourager Lipu.
Notre arrivée à Kalemie eut lieu dans l’après midi. En voyant plusieurs personnes dès le passaga de la gare, je me rappelais qu’elles venaient d’assister au défilé du 24 novembre.
Le chef du poste de l’AND qui se présentait aussi comme un colonel me logea à l’hôtel du lac. La restauration était aussi au compte de l’AND.
Pendant la journée je m’asseyais en compagnie de mon épouse et notre enfant dans le barza de l’hôtel. Je recevais de temps à autre quelques visiteurs tels que Masimango dont l’épouse nous apporta un jour du fufu.
Une autorisation à voyager abord du train marchandises portant les mentions suivantes nous fit remise
Kalemie, le 03/12/1985
AUTORISATION TEMPORAIRE N° 357/198
AUX TIERS DE LA SOCIETE
CTNE LUMBU MALOBA NDIBA + enfant
Le nommé LUMBU MALOBA NDIBA n° coupon est autorisé de prendre place à bord d’une HKM 601 HLD 1305 … conducteur NKONGOLO + M.O. NYEMBA + CIBAKA de Kalemie à LBB avec autorisation du DRE ai
Motif de déplacement MISSION DE SCE AND
N.B. Il est strictement interdit de monter à la cabine.
Fait à Kalemie le 03/12/1985
Par MASHANTA
Fonction CH6R PR
Signé Mashanta M. wa Kanona
CHCK-PR
REGION-EST
KALEMIE
Lorsque nous nous présentâmes à l’embarquement nous constations qu’il n’y avait pas de cabouse tel qu’il nous avait été rapporté et que c’est dans la locomotive que nous devions prendre place. Le citoyen DE BONGO nous escortait lui-même.
Parti de Kalemie le soir nous avions atteint Nyunzu dans la matinée. Quelques personnes me reconnurent et je leur indiquai que j’étais en train d’être acheminé à Lubumbashi.
Au Projet nord Shaba je rencontrai l’ingénieur Jean Marie et son épouse Marie Munyama condisciple de mon épouse. Nous nous appretions à prendre le déjeuner lorsque la locomotive sonna et abandonnant tout nous reprîmes notre place dans le train.
A Kabalo nous ne sortîmes pas de la gare quoique la locomotive ne répartit que le soir.
Toute la nuit le train roula et n’atteignit Kamina que l’après midi.
L’inspecteur DE BONGO me dit qu’il était question de prendre à Kamina la correspondance de Lubumbashi qui n’était prévue que pour le lendemain. Ayant sollicité d’aller passer la nuit à la résidence de mon frère Lumbu Athanase qui habitait à sa scierie près de la brasserie de Kamina. Je m’y présentais avec mon épouse et mon enfant et lui informai de l’objet de mon voyage avant de lui décrire les conditions dans lesquelles Mwalimu Martino était décédé.
Il m’apprit les difficultés qui l’avaientt empêché de rejoindre le village pour le deuil. En effet, maman Eulalie était hospitalisée. Il m’y accompagna le soir et j’y avais rencontré papa Marc à son chevet.
Maman Eulalie avait déjà beaucoup maigri. Elle était émue à l’écoute des nouvelles au sujet du décès de son beau-frère. Papa Marc me pria de me rendre compte moi-même de la raison de son empêchement de se présenter au deuil et aussitôt que les conditions seraient favorables il ne tardera pas de s’y rendre.
Le lendemain à l’arrivée du train en provenance du Kasaï bondé du monde nous voyageâmes assis sur des chaises du restaurant malgré les plaintes que je formulais auprès de l’inspecteur à cause de l’état de mon épouse.
Ce train courrier qui avait quitté Kamina dans l’après midi ne dépassa Luena que vers la matinée. Il s’arrêta peu avant d’atteindre Lubudi pour cause d’un déraillement qui avait abîmé la voie.
Nous restâmes toute la journée dans cette gare et nous nous débattîmes pour trouver à manger.
Après l’arrangement de la voie le train se mit en mouvement toute la nuit pour nous faire atteindre Lubumbashi le lendemain peu après midi.
L’inspecteur sortit de la gare et nous demanda de l’attendre. Je savais qu’il prenait ses précautions pour me chercher une escorte.
De l’inspecteur De Bongo m’amena à l’AND, où, il me mit à la disposition de sa hiérarchie pendant que mon épouse devait chercher où se loger. Comme d’habitude elle s’était rendue chez ma petite sœur Elisabeth et m’amena dès le 1er jour de ma détention, un matelas et un poste de radio qui lui avaient été cédés par Célestin, le mari de ma petite sœur Elisabeth.
J’appris de certains agents de l’AND que j’étais le prisonnier du Gouverneur de région ! Ce dernier avait demandé que je sois déplacé de Kongolo lorsqu’il avait été décidé que Kana Kange y soit envoyé.
A cause de la longue distance entre Lubumbashi et Kayanza le Redoc avait souhaité qu’un avion soit mis à sa disposition pour aller me chercher. La région n’ayant pas mis un avion à sa disposition le problème était resté sans suite.
L’inspecteur De Bongo de Kalemie était quant à lui convoqué à Lubumbashi pour motif de service mais voilà qu’il avait trouvé une occasion de montrer son zèle en opérant mon arrestation et en m’amenant à Lubumbashi par train alors que sa hiérarchie ne s’attendait pas du tout à cela !.
Le Gouverneur du Shaba à l’époque, le citoyen Duga Kugbetoro était secondé par le citoyen Koyagialo. Sur ma demande, la lecture, la visite par mon épouse pour m’apporter la nourriture quotidienne, la possession d’un poste de radio et enfin la possibilité de rester dans la cour du cachot pendant la journée me furent autorisées.
Je ne trouvai pas la raison de mon déplacement de Mbulula à Lubumbashi alors que mes collègues étaient en général libres, raison pour laquelle j’écrivis une lettre de protestation au Gouverneur ! Le Redoc quant à lui ayant informé sa hiérarchie de ma présence à son cachot de Lubumbashi attendait la réaction de celle-ci pour se décider sur mon sort.
Entretemps les mauvaises conditions dans lesquelles mon épouse et moi-même avions été déplacés de Mbulula à Lubumbashi via Kalemie me firent croire être la cause des malaises que je ressentais.
En effet, à partir de l’endroit près de Lubudi où nous avions traîné pour raison d’un déraillement je sentais des odeurs inhabituelles qui s’étaient accentuées et m’avaient causé les maux de tête.
Le cofondateur de l’UDPS KYUNGU MUKANKE, neveu du Président Kibassa que j’avais trouvé au cachot m’avait persuadé à demander l’autorisation de voir un médecin.
Ayant obtenu l’autorisation de me faire soigner à l’hôpital général Sendwe, deux militaires m’avaient escorté.
Le médecin qui m’avait reçu était un blanc. Je lui avais décrit toutes mes mésaventures. Il m’envoya faire des examens radiologiques qui avaient établis que je souffrais de sinusite et que les faux de mon cerveau étaient calcifiés. Une ordonnance m’avait été remise. Le médecin s’étonnait qu’en si peu de jours le mal se soit si aggravé et me prescrit des produits pharmacéutiques.
Sur mon chemin de retour je méditais sur mes conditions précaires ne pouvant me permettre de réunir tous ces produits pharmacéutiques lorsque je me croisai avec le phrmacien Ngoy, un ancien de l’Unaza au Campus de Kinshasa.
Installé à Lubumbashi, il avait une des grandes pharmacies du lieu. Il m’offrit sans tarder les Sinutab, les bactrim et les extra fort me recommandés.
Je partais régulièrement à l’hôpital et de temps à autre le médecin m’examinait jusqu’au moment où la radio rétablit que le mal était guéri. Ayant été interdit de prendre de bières pendant les soins médicaux j’avais passé la Noël sous le régime des sucrés.
Le codétenu s’appelant François, infirmier de profession avait recommandé mon épouse auprès du docteur Masengo pour les soins médicaux de nos enfants. Ce dernier le fit sans contrepartie à sa polyclinique de la zone Kamalando.
Toute mon alimentation reposait sur mon épouse qui devrait chaque jour m’en apporter.
C’était son occupation quotidienne principale. Si elle ne venait pas à cause d’un empêchement majeur elle envoyait quelqu’un d’autre.
Je partageais mon repas avec mes codétenus familiers qui étaient de l’obédience de l’UDPS et ils m’offraient eux-aussi ce qu’ils recevaient.
En effet, le cofondateur de l’UDPS, Kyungu Mukanke devint mon compagnon de malheur avec lequel je m’entretenais et examinais différentes hypothèses. Il avait sous lui d’autres détenus politiques arrêtés au motif qu’ils étaient des collaborateurs de Nguz Karl i bond alors en exil, après sa démission du poste de 1er Commissaire d’Etat.
Ces codétenus avaient déjà fait longtemps au cachot et notre présence parmi eux relança leur dossier. Je ne manquai pas à citer les noms de Kyungu, Albert Kakulu, Jean Pierre Motta, Adelar et François dans mes correspondances.
Par ces codétenus j’appris le passage à ce cachot de Shimba et de Kana Kange, collaborateurs du Président Kibassa qui avaient été relégués dans leurs villages d’origine.
J’avais alors informé l’opinion nationale et internationale de la mort de Robert Kana Kange et témoignai d’avoir assisté personnellement à son enterrement.
A mon arrivée à Lubumbashi, je n’avais pas trouvé mes petites sœurs Elisabeth et Eudoxie ni mon petit frère Faustin. Ils étaient tous partis au deuil au village. Faustin rentra avant les autres pour raison d’études et vint me visiter.
Il me dit avec malice qu’il ne comprenait pas comment notre père était décédé et qu’il fallait que je donne les explications, ce dont je lui rétorquais que c’était à lui qui venait du village de me dire ce qu’il avait appris. Faustin me dit qu’il avait appris que le décès de mon père était provoqué par moi pour accéder aux grades politiques.
Irrité, je dis à Faustin que réellement c’était lui qui était à la base de la mort de notre père. Cela pour la raison qu’il lui écrivait régulièrement pour lui demander de l’argent alors qu’il savait bien que papa était déjà retraité et n’en avait pas.
Devait travailler durement dans ses champs en abattant les arbres et tirant des charges lourdes laa conséquence avait été pour cet homme qui avait subi une opération chirurgicale d’hernie étranglée cinq ans auparavant la nécessité d’une nouvelle opération chirurgicale.
Selon le docteur Christian Roberti «le blocage des intestins provenait de son état là, mais aussi qu’il avait été amené à l’hôpital tardivement alors qu’il avait passé toute la journée en train de vomir. Cela avait provoqué l’hypotension à laquelle il ne pouvait pas faire face pour entreprendre une opération quelconque de ce genre sans le danger de voir le patient mourir sur le lit d’opération
Pour raison de service Eudoxie rentra aussi avant Elisabeth. Alors que nous avions demandé qu’elle vienne avec nos enfants se trouvant à Kongolo, elle ne le fit pas. Elle aussi avait prêté oreille aux racontars du village qui nous responsabilisaient de la mort de notre père. Elle ne me visitait presque pas et lorsque je lui avais demandé la raison d’une telle indifférence elle m’avait répondu qu’elle était très prise par ses obligations professionnelles.
Louise et Ida étaient passé me voir une fois, il en était de même d’Etienne.
Je reçus aussi la visite de Marie-Claire Kasama, de Léonard Messo Kahenga et de Léontine Lumbu, la fille de mon oncle Ilonda qui étudiait à Cepromad.
Le jour de nouvel an, j’échangeais des propos discourtois avec un détenu kasaïen qui s’appelait Mbuyu et qui donnait tous les mérites de l’UDPS aux fondateurs kasaiens. La journée se termina mal parce que Kyungu administra à ce citoyen quelques coups.
Après qu’elle m’ait visité le 03/01/1986, mon épouse connut des douleurs prénatales. Internée aux cliniques Mama Mobutu elle accoucha vers 20 h ce jour même un garçon qu’elle m’amena à l’AND, le 07/01/1986 dès sa sortie des cliniques.
Je surnommais cet enfant “ UDPS ” parce que né au moment où je me trouvais en détention à cause de mon parti l’UDPS. Né à peine quarante sept jours seulement après la mort de mon père j’allais sur recommandation de ma mère lui donner le nom de mon père que porte pourtant mon fils aîné Lumbu Maloba Sagali alias Baby.
Après réflexions je lui avais donné le nom familial de LUMBU, le postnom MUYENGA de mon grand frère Athanase qui est aussi celui de mon arrière grand-père ; Athanase était celui qui de tous mes parents m’avait le plus encadré pendant ma jeunesse. Pendant l’hospitalisation de mon épouse, la grande sœur ou la nièce de Célestin m’avait amené mes repas.
Après avoir passé quelques jours à la résidence de ma petite sœur Elisabeth sur ma recommandation mon épouse eut une chambre au Bel air, à la maison de mon oncle paternel Ilonda ya Mbundu située sur l’avenue des Eucalyptus en préparation de la venue de nos enfants qui étaient restés à Kongolo..
Lors de notre bannissement de 1981, nous y avions séjourné pendant près d’un mois. Mon épouse obtint une réponse positive auprès de Déogratias Mwehu Lukonzolo fils de papa Joseph Mwehu Mbundu qui y habitait en compagnie d’Alexandre et Déo enfants de mon cousin Sangwa Augustin.
Papa Ilonda vivait à Kinshasa avec sa famille. Dans cette maison mon épouse partagea peu après des chambres avec Léontine et Raymond, petite sœur et cousin de Maman José, épouse de mon oncle. Boniface et sa famille, mais aussi Meshak collègue de Raymond y habitaient aussi.
Le gérant du guest house Ilunga Lubambula avait accompagné les enfants.
Pour raison de terminer l’année scolaire à l’école primaire Mapema, où, il avait déjà fait tout un trimestre, Baby resta à Kongolo sous garde du gérant.
Le cofondateur Kyungu Mukange intervint pour leur inscription à l’institut Tuendelee en donnant à mon épouse une note de recommandation qu’il fallait remettre au directeur de l’école. Ainsi les enfants “ Maman et Tantine ” furent inscrites respectivement en 2è année et en 1 ère année primaire.
Pichou avait été inscrit quant à lui en classe de maternelle à l’école de la SNCZ, située sur l’avenue de Sapinniers non loin de l’habitation,.
C’est à pied qu’ils parcouraient des kilomètres pour rejoindre leur école chaque matin même pendant le climat très froid.
Mes deux filles Maman et Tantine avaient accompagnés un jour leur mère pour me saluer. Elève à l’Institut Tuendelee “Maman ” vint un autre jour me voir avec sa copine à leur sortie de l’école à ma grande surprise.
A l’occasion de la visite du délégué de la croix rouge internationale, mes codétenus qui avaient formulé des demandes lors des visites antérieures reçurent qui d’un livre, une paire de lunette ou même des produits pharmaceutiques.
Pendant ma détention, j’avais eu l’occasion d’écrire aux autorités régionales pour protester sur mon arrestation et plus particulièrement contre le Vice-Gouverneur de région, le citoyen Koyagialo dont j’avais affirmé être un hypocrite. Il avait les apparences d’un religieux alors que réellement il était le plus grand bourreau. Le meurtre des élèves et enseignants des écoles primaires de Lubumbashi était à sa charge. J’ajoutais même que sachant maquiller ses forfaits, il était le vrai représentant du pouvoir et en stage pour être titularisé.
Cette lettre suscita le courroux de mes geôliers et ordre fut donné pour que mon épouse n’accède plus à la cour de l’AND. Ne pouvant plus me rencontrer, elle s’arrangea pour me faire parvenir mes repas par sa bonne que ma fille “Maman” accompagnait.
Elle ne me revit que lorsque le citoyen Koyagialo fut muté au Kivu. Elle était suspectée de m’amener les informations de l’extérieur et de sortir avec mes correspondances.
J’écrivais aussi à la Croix Rouge Internationale en Suisse et surtout au Président Kibassa à Kinshasa.
Ayant appris de mon épouse à l’occasion du passage du fondateur Lusanga à Lubumbashi qu’une somme de 200.000 FB (Deux cent mille francs belges) nous avait été envoyée alors que mon épouse ne l’avait pas réceptionnée, je m’étonnais et ne comprenais pas que les fondateurs se partagent de l’argent envoyé par les organismes internationaux et qu’ils m’aient oublié alors que pour le parti je me trouvais en détention et eux libres.
J’appris aussi qu’à cause de mon absence prolongée à Kinshasa le citoyen TSHILEMBE KOTE m’avait remplacé en qualité de Secrétaire à l’information et que le Collège des Fondateurs sur proposition des responsables à l’Organisation et aux Rélations Extérieures avait procédé à diverses nominations
Mon épouse atteignit elle-même grâce à l’abbé Kasongo du diocèse de Kongolo qui était à Lubumbashi en formation les organismes internationaux auxquels elle avait expliqué ses malheurs et ceux de nos enfants. La paroisse Christ Sauveur du Bel air qui était à proximité de sa résidence fut sollicitée par les sections d’Amnesty international qui avaient décidé de lui venir en aide régulièrement.
Chaque fois que je demandais à me faire recevoir par le Redoc celui-ci me faisait recevoir par son inspecteur qui s’appelait Uba. Ayant cédé sa place à un nouveau, celui-ci traversait souvent la cour de l’AND et me donnait la possibilité de lui parler. Il y avait aussi à l’AND/Lubumbashi les citoyens Ngongo, chef de la permanence Tshibangu, l’agent mobile et Kashama, le chef de poste qui semblait être permanent au cachot. C’est lui qui souvent m’escortait quand j’obtenais l’autorisation de me rendre à l’hôpital.
En dehors de moi-même et mes codétenus politiques du groupe Kyungu Mukanke, d’autres personnes y compris des expatriés défilaient au cachot. A la veille de ma libération, un Commissaire de zone y était détenu.
Le 31 mars 1986, le Redoc me convoqua dans son bureau pour m’informer de ma libération.
Lui ayant demandé s’il en était de même des autres codétenus politiques et en l’occurrence du citoyen Kyungu Mukanke, il me répondit que pour eux il attendait encore les ordres de sa hiérarchie, le message qu’il avait reçu de Kinshasa ne concernait uniquement que mon cas.
Je quittai le cachot après avoir encouragé les autres détenus politiques et à pied je rejoignis ma famille installée au Bel air sur l’avenue des Eucalyptus. Le chien qui s’était habitué à moi dans la cour de l’AND m’avait suivi jusqu’à la maison.
Chapitre 20. De mon sejour à Lubumbashi et Likasi et de mon retour à Kayanza via Kongolo.
Pendant mon séjour à Lubumbashi, je participai au deuil de maman Eulalie, répondis aux invitations et finalisai mon dossier de la maison de Kongolo par l’obtention du certificat d’enregistrement.
La nouvelle du décès de maman Eulalie arriva quelques jours seulement après ma libération. Le deuil avait été organisé à la cité Kampemba à la résidence de Raphaël.
Ayant constaté l’état de santé dans lequel elle se trouvait à l’hôpital de Kamina lors de mon passage par train en décembre 1985, j’étais préparé moralement à recevoir cette nouvelle.
Toute notre famille de Lubumbashi s’était retrouvée. J’avais eu ainsi l’occasion de me voir avec ceux qui ne m’avaient pas salué à ma sortie du cachot de l’AND.
Après le deuil j’avais répondu aux invitations de certaines personnes telles que papa Evariste, surnommé Mali ya Butoto 1er qui me reçut avec mon épouse à sa résidence du chaussé de Kasenga près de l’hôtel Mubindu et de citoyens Kalande et Jules Mukulumoya avec lesquels nous avions été au campus de Kinshasa.
L’invitation surprise, je l’avais eu de la part de citoyen Mutombo Christophe, proche du fondateur Joseph Ngalula. Il avait été parmi les rares personnes du parti qui visitaient mon épouse et la consolaient pendant que je me trouvais en détention.
J’avais rencontré chez lui un groupe de l’élite kasaïenne de Lubumbashi dont le citoyen KALONZO André.
Le fondateur Lusanga était venu lui-même me chercher avec mon épouse pour un séjour de deux jours chez lui à l’hôtel Dodo.
Pendant mon séjour likasien, Lusanga m’avait fait visiter ses activités commerciales.
Je rencontrai ma petite sœur Marie à sa résidence où le citoyen Kitenge François vint me saluer au grand étonnement du collègue Lusanga qui me dit n’avoir pas l’habitude de le rencontrer.
Les ex codétenus de Makala, Tshiala Kalenga et Katempa Mulume wa Nsimba avaient partagé une soirée avec nous. La veille de mon retour à Lubumbashi, la sœur cadette du fondateur Tshisekedi dont le mari travaillait à Swanepoel nous avait aussi reçus chez elle. Je pris à Likasi une pose aux côtés de mon épouse, mes trois plus jeunes enfants en ce moment, ma petite sœur Marie et son époux, mon petit frère Sixte et l’ex codétenu de la prison de Makala TSHIALA KALENGA.
De retour à Lubumbashi plusieurs membres de ma famille continuèrent à me saluer. Il en était ainsi de ma tante Béatrice qui était venue avec presque toute sa famille passer quelques journées avec moi.
Ma petite sœur Marie vint passer une nuit à la maison et me demanda à cette occasion si réellement ce que les gens racontaient au sujet de la mort de mon père était fondé.
Selon elle, certaines personnes disaient que j’étais à la base du décès de mon père par les fétiches que j’avais fait pour avoir de promotion en politique.
Je lui répondis par la négative en insistant sur l’attention que la famille doit faire après la disparition du chef de famille, qu’était notre père.
« Ce temps était tellement mauvais que souvent on arrive à l’éclatement de la famille. Faisant la politique en groupe, je me trouvais en détention ou en liberté avec mes collègues du groupe qui avaient aussi leurs familles. Je ne comptais pas sur les fétiches et jamais dans mon esprit, il ne m’était arrivé l’idée de livrer mon père où un membre quelconque de famille afin que je trouve de promotion quelconque, après tout, même mes ennemis politiques peuvent répandre de tels bruits rien que pour m’affaiblir et affaiblir ma famille en nous opposant les uns des autres », lui avais je répondu. Ma petite sœur exprima sa satisfaction après mes explications.
Je profitai de mon séjour lushois pour relancer le problème d’acquisition du certificat d’enregistrement de mon immeuble de Kongolo. En effet, Etienne qui suivait ce dossier aux titres immobiliers n’avait pas satisfait à ma demande lors des envois d’Ilunga Mukubo et Martin à Lubumbashi.
Déjà en détention à l’AND, j’avais abordé ce problème avec lui et il semblait ne plus avoir le moyen de s’y soustraire compte tenu de mon séjour prolongé.
Quelques rencontres avec lui et avec quelques cadres de la division des affaires foncières avaient abouti par le règlement par moi des litiges et par l’autre partie à la livraison du certificat d’une concession perpétuelle dont mentions suivantes.
REPUBLIQUE DU ZAIRE
Certificat d’enregistrement d’une concession : PERPETUELLE KA KI KA
Livre d’enregistrement Sous région de TANGANIKA
215 Folio 45 Zone de KONGOLO
Citoyen LUMBU MALOBA NDIBA, Avocat de nationalité zaïroise, né à Kayanza, le vingt deux avril mil neuf cent quarante huit SD 217.290/Lubumbashi, marié coutumièrement à la citoyenne Lumbu Sagali, résident au Boulevard du 30 juin à Kinshasa.
Est enregistré comme étant en vertu d’un contrat de concession perpétuelle conclu avec la République du Zaïre en date du trente et un décembre mil neuf cent quatre vingt trois, reçu ce jour au registre journal sous les numéros d’ordre général 28.111 et spécial D8/CP 01162
CONCESSION PERPETUELLE du fonds indiqué c-après :
Une parcelle de terre, destinée à usage commercial, situé à Kongolo, zone de même nom, portant le numéro 49 du plan cadastral, d’une superficie de douze ares quatre vingt dix neuf centiares, vingt et un centièmes d’après le procès verbal de mesurage et de bornage numéro 57 dressé le trois juillet mil neuf cent cinquante sept.
Propriété de l’Etat
Surcette parcelle est édifiée l’immeuble indiqué c-après
Un bâtiment à usage commercial et d’habitation construit en matériaux durables
Les limites tenantes et aboutissants de la parcelle susdits sont renseignés au croquis ci-dessous, fait à l’échelle de 1 à 1000.
Les charges qui grèvent cette propriété sont indiquées d’autre part
Délivré à Lubumbashi, le vingt neuf août mil neuf cent quatre vingt quatre
Le Conservateur de Titres immobiliers
KAYEMBE KAKING
Cette démarche étant terminée je me déplacai de Lubumbashi à Kayanza via Kongolo
C’est par train que je quittais Lubumbashi en vue d’aller m’incliner à la tombe de mon père et quitter officiellement Kayanza pour m’installer à Lubumbashi où désormais mes enfants étudiaient.
Le voyage par train fut aussi harassant comme par le passé.
A peine arrivé à Kongolo, je me procurais un petit poste de radio et un matelas couvert avec du cuir utilisé d’ordinaire dans les hôpitaux pour permettre un nettoyage facile.
Organisant mon retour à Kayanza, je le programmai par le passage de l’itinéraire qu’avait suivi mon grand-père LUMBU PILIPILI lorsqu’il quitta avec sa famille Massagala-Kilubi pour s’installer à Kayanza vers l’année 1936.
Informé sur ce projet, le citoyen Faustin Kasambi partit de Kayanza pendant que mon petit frère Martin partit de Mbulula pour me rejoindre à Kongolo et marcher à mes côtés.
Martin m’avait appris que ma petite sœur Marthe avait tenté en vain de le dissuader de faire ce trajet à pied comme moi, étant donné que mystiquement il serait chargé de me transporter.
Ayant quitté tôt le matin, j’avais vu après avoir dépassé le pont de Lualaba, l’évêque Nday qui était abord de sa voiture. S’étant arrêté pour me saluer, je lui informai de ma décision de rejoindre mon village de Kayanza à pied comme le fait d’ordinaire notre population.
Je me réposai à Keba pendant quelques temps chez Kamwanga Michel.
Objet de curiosité, j’entendis une femme s’étonner en me voyant aussi jeune par rapport à ma reputation et s’exclamait si j’allais être capable de protéger la population au lieu de la faire tuer.
Arrivés à CHALA, ex KILUBI, MASAGALA à la résidence de papa Pungwe, le fils de MUNYANE et ma grande tante paternelle MUSOGA, je m’installai d’abord puis je partis saluer à sa maison papa MAZULI, le grand frère ainé de Pungwe qui pour raison de maladie gardait en permanence son lit.
Après avoir beaucoup bu la nuit, mon petit frère Martin tenta d’entrer dans la chambre où je me couchais. A ma question de savoir ce qu’il cherchait, il me répondit qu’il cherchait le pouvoir. Ahuri, je donnais ordre à Faustin Kasambi de veiller à la sécurité de ma porte.
Le matin, je m’inclinais à la tombe de ma grand-tante paternelle FATAYAKO KABEYA-A-BAELE, petite sœur de Musoga, située au cimetière familial de Munyane se trouvant derrière la résidence de Papa Mazuli.
SANGWA MAYALIWA, le fils de Mazuli, m’expliqua les circonstances dans lesquelles était décédée maman Fatayako Kabeya-a-Baele qui avait une grande plaie au pied.
Le matin, je causai encore avec papa Mazuli qui me demanda de draps de lits. Je répercutai cette demande au gérant du guest house, Ilunga Mukubo qui me les apporta le lendemain.
Victor CHEKO MUYUMBWILO, fils de MUNDULA et de MALAMU, la grande soeur de mon père habitait dans le village voisin de Mundula. Il vint me tenir compagnie pendant tout mon séjour de deux jours à Chala,
Tôt le matin du troisième jour, je quittai Chala à pied. Dans ma suite s’était ajouté Sangwa Mayaliwa. Papa Pungwe m’avait accompagné jusque dans l’autre Chala.
A Mundula, le village de papa Victor Muyumbwila, un attroupement des gens nous attendait.
En effet, alertés par la nouvelle de notre passage, les sages du village tenaient à nous présenter leurs salutations. Ils nous offrirent à boire et à manger et nous leur expliquâmes notre projet de société de l’UDPS.
A la tombée du jour, nous atteignîmes Nkulula. A notre arrivée à la hauteur de la cour de l’école, la nouvelle de notre arrivée se répandit. Quand Sangwa Mayaliwa nous présentait chez maman ANZILANI, la fille de Musoga, où nous nous installâmes pour y passer la nuit, la parcelle avait été envahie par la population.
Quelqu’un dans le groupe prit la parole pour me dire qu’ils avaient appris la triste nouvelle du décès de mon père et aussi de mon arrestation et mon enlèvement pendant le deuil. Pourquoi étais-je arrêté jusqu’à être empêché de pleurer mon père ? ”
Je pris la parole et expliquai de long en large le projet de société de l’UDPS que je défendais. La population m’écouta en silence avant de se disperser.
Le matin, je dis au revoir à maman Anjelani, à son mari et à sa fille et pris la direction de Nonge.
A Nonge, je cherchais à rencontrer le directeur d’école mais je fus dirigé auprès du bureau de collectivité ou le chef de collectivité Mutunda me reçut en compagnie de certains de ses notables et du public intéressé. Je développai les explications sur le projet de société de l’UDPS et répondis aux diverses questions posées. Le public intéressé forma le comité UDPS et acheta les cartes du parti.
A l’issue de la rencontre, je m’installai chez papa Léonard grand-oncle paternel de mon épouse, où la boisson et à manger me furent offerts. J’avais aussi accordé les audiences.
Ne voulant pas traverser le village de Kahenga pendant la journée, je décidai de quitter Nonge pendant la nuit. J’oubliai même les poules qui m’étaient offertes et atteignis Lubinga encore la nuit.
A Lubinga, je cherchais la résidence des enfants de KIBERITI qu’étaient Shindano et Médard. La nuit était encore longue. Nous nous mîmes au lit après avoir échangé quelques points de vue.
Le matin, j’accordai quelques audiences avant de quitter Lubinga pour Kayanza. Shindano et les enfants de Médard m’aidèrent à traverser la rivière Luvilu qui n’avait comme pont qu’un tronc d’arbre.
Nous trouvâmes dans le village de Zimba un attroupement à l’école où un abbé de Mbulula avait célébré la messe. Après une petite pause, nous poursuivîmes notre voyage et dépassâmes Kiyombo et Chenge avant d’atteindre Kayanza. La population chaleureuse de Kayanza vint nous rencontrer à la hauteur de l’école. Quelle n’a été ma joie de revoir les miens qui brandissaient des branches d’arbres ! Dans la foule, je vis maman Chungu ya Mbuizya Makili, épouse de mon chef de clan Mbundu Simon Kabangila.
Le lendemain de mon arrivée à Kayanza je me rendis à la forêt de Mbundu m’incliner à la tombe de mon père.
Plusieurs personnes vinrent me voir et les bruits commencèrent à courir que je voulais de nouveau organiser le deuil de mon père. Mon oncle paternel Sixte ne voulait pas cela. Lors d’une visite de Leandre Kanyunya à Mbulula il manifesta son mécontentement en se plaignant que je ne l’avais pas vu à Mbulula avant de rejoindre Kayanza par une autre voie.
J’avais aussi enregistré beaucoup de confidences au sujet du décès de mon père. Si Mbundu en exercice me dit que beaucoup de mauvaises langues m’avaient attribué la mort de mon père alors que cela était tout à fait faux, mon grand-père maternel se réjouissait de mon retour à Kayanza car disait-il, “ par ce retour, j’apportais un démenti à ceux qui voulaient m’attribuer la mort de mon père.”
Il dit avoir beaucoup regretté pendant le deuil parceque ma petite sœur Marthe l’avait humilié en le désignant d’être le meurtrier de mwalimu Martin jusqu’à le pointer avec son doigt en disant pourquoi n’était-il pas mort à la place de mwalimu, lui qui est déjà vieux ! Par contre mon petit-frère Martin agissait comme une souris car tout en parlant mal de lui le voyait pour le tranquilliser.
Dans tout cela, ajout-t-il « ils affirmaient que j’avais tué mwalimu Martin de concours avec vous alors que je me demandai comment et pourquoi cela ! »
Mon grand-père Mukunkutu insista qu’il était très fâché à cause d’une telle médisance et plus principalement contre ma petite sœur Marthe.
Je calmai mon grand-père en lui disant qu’avec la mort de mon père, je devenais le responsable de ma famille et protecteur de mes frères et sœurs. Il fallait qu’il excuse ces enfants pour toutes les médisances dont il avait été victime parce que se fâcher contre eux et leur souhaiter un mal quelconque m’affectera aussi en tant que leur responsable. Je présentai toutes les excuses possibles en leur nom.
En dehors des activités ayant trait au Parti, je m’entretenais le soir avec des parents et des voisins tels que Tulia ou Bulelo, le directeur de l’école primaire.
C’est dans ce climat que m’avait été annoncée la nouvelle du décès de papa Mazuri à Chala et la nécessité pour moi de m’y rendre au deuil.
En dehors des enfants de Kahinga, d’autres amis du village furent disposés de m’accompagner. Nous attendîmes toutefois papa Sixte qui vint de Mbulula. Pour completer notre groupe composé de Fidèles, Léandre, Jamais, Mahangaiko Kipete, Faustin Kasambi, Martin (Petit Maloba), Michel et moi-même Lumbu Maloba Ndiba.
Nous avions quitté Kayanza le soir pour passer la nuit à Lubinga. Faustin Kasambi me prit au vélo pendant que tous les autres marchaient à pied. Avant la levée du jour nous partîmes de Lubinga.
Faustin poussa le vélo jusqu’à Kahenga avant de tenter de me porter.
Nous avions à peine dépassé Kahenga quand le vélo tomba en panne et qu’il fallait continuer de nouveau à marcher à pied jusqu’au moment ou un bon samaritain qui avait son vélo et s’apprêtait à nous dépasser me prit pour me deposer à Chala où j’annonçai l’arrivée de la suite.
Conformément à nos coutumes, à l’arrivée à Chala de papa Sixte et sa suite, Sangwa Mayaliwa et Victor Muyumbwila avaient été bousculés.
Pendant notre séjour de toute une semaine à Chala je fis appel à Ilunga Gilbert pour le ravitaillement.
Avec mon groupe j’avais été reçu au Rond point par Charles Lukama, agent de collectivité de Yambula et membre de l’UDPS et par les filles de papa Norbert Kiteba à Keba.
A la fin du deuil, papa Sixte rentra par véhicule à Mbulula pendant que tout le groupe de Kayanza m’accompagna à Kongolo. Notre marche la nuit vers Kongolo fut l’objet d’une curiosité. Des mauvaises langues avaient déjà commencé à parler d’une milice que j’avais montée.
J’avais logé mes visiteurs et m’organisai à les faire voyager par véhicule après leur avoir accordé quelques cadeaux. Je quittai Kongolo le dernier par véhicule
via Mbulula.
A peine que j’étais arrivé à Mbulula les bruits de plus en plus persistants étaient répandus au sujet de la présence à Kongolo des personnes venues pour une fois de plus m’arrêter.
Je pris cependant tout mon courage et continuai à prêcher le projet de société de l’UDPS.
Mes fréquentations chez Marcelline Katuba tout comme à d’autres lieux des boissons tels que chez Kinda, chez mwalimu Tamali ou au rond point alimentaient les conversations. Je rencontrai aussi la maîtresse Safi de Kayanza qui passait ses vacances à Mbulula.
On parlait déjà de l’arrivée à Mbulula des militaires à ma recherche lorsque je décidais de rentrer à Kayanza. Je voulais que mon arrestation se fasse cette fois-ci dans ce village, à ma résidence, au lieu d’être opérée à la résidence de ma mère.
Ayant regagné Kayanza je m’occupai à mettre de l’ordre dans ma maison en attendant ceux qui me pourchassaient.
Chapitre 21. De mon arrestation à Kayanza et de ma détention à Kalemie dans la cour du bureau de l’AND
Dès le lendemain de mon arrivée à Kayanza je reçus la nouvelle de la fermeture de mon hôtel Bouger et faire bouger à Kongolo sur ordre formel et impératif des instances supérieures. Je réagis par une note de protestation à cette mesure ne visant que ma persécution et celle de ma famille.
La fermeture de l’hôtel Bouger et faire bouger avait précédé mon arrestation à Kayanza intervenu le soir du 11 juillet 1986.
En effet, je me trouvais à la résidence de papa Mbundu Kalunga Simon où il m’avait invité pour prendre avec lui un verre de lumay may lorsque l’épouse de Léandre la citoyenne Tupende vint nous informer “ que les militaires venaient d’investir le village de Kayanza et qu’il était dit qu’ils étaient à la recherche de Maloba Ndiba”
Quelques minutes après je vis Faustin Kasambi qui venait avec un militaire vers la maison dans laquelle je me trouvais.
Il m’apprit qu’il y avait à ma résidence le Commissaire de zone de Kongolo. Je dis à Mbundu que je partais.
Je rencontrai le citoyen Mutshipay Kambul qui me présenta le major commandant de bataillon territorial de la gendarmerie pour la sous région de Tanganika. Je vis aussi un capitaine portant un béret vert et deux véhicules pleins de militaires.
Invitant le Commissaire de zone d’entrer dans mon bureau avec le commandant de la gendarmerie, une personne portant les habits civils entra aussi. Le Commissaire de zone me le présenta comme son secrétaire. Je lui répondis que je savais bien qu’était cette personne sans doute chargée de la police politique. C’était effectivement le chef de poste sous régional de l’AND.
Informé que je devais partir avec eux, je demandai qu’ils m’exhibent les ordres par lesquels ils étaient envoyés pour procéder à mon arrestation. Ils me montrèrent leurs ordres de mission.
La population s’étant interposée et refusant mon départ je demandai après quelques minutes de réflexion à l’enseignant Lugoma qui tenait dans sa main une branche d’arbre et prêt à passer à l’attaque de ne pas agir. « Je ne veux pas que le sang coule, parce que c’est par la parole que j’ai toujours lutté. Je partirai avec eux et discuterai avec qui que ce soit »avais je dis.
M’avançant vers les véhicules, un militaire me demanda d’entrer dans le véhicule rempli d’autres militaires. Je lui répondis que je prendrais place à côté du Commissaire de zone. Ce dernier me laissa prendre la place dans le véhicule abord duquel il se trouvait. Mon voyage vers un nouveau lieu de détention commença alors que le soleil était au crépuscule.
Les gens de Kayanza contemplaient le cortège dont les militaires étaient armés jusqu’aux dents pendant que ceux-ci étaient mécontents de quitter le village sans extorquer les biens de la population.
Nous nous arrêtâmes à Mbulula, où je constatais que le Commissaire Sous Régional ad. Intérim, le citoyen Bondembe Boma Ndjombe nous attendait à l’hôtel “ Tulye Mali Tusambale.”
Je l’informai que je devais dire au revoir à mes parents avant de continuer sur Kalemie. Ne m’ayant pas répondu j’ajoutais qu’il serait regrettable après que j’aie accepté sans problème de partir avec eux à Kalemie que je me trouve obligé de leur dire que s’ils ne me permettaient pas d’aller dire au revoir à ma veuve mère, je m’opposerais de voyager. Le capitaine qui était le commandant du Bureau 2 de la 13ème brigade des FAZ souffla quelques mots au Commissaire Sous Régional et ce dernier m’autorisa de me déplacer.
Je partis saluer ma mère et lui expliquai les conditions de mon voyage. Elle me tint compagnie. Je me présentai aussi chez papa Sixte et vis autour du véhicule mon petit frère Martin, petit Maloba qui tenait à m’accompagner là où je serais améné empêché en train de crier parce qu’il lui avait été interdit de prendre place abord du véhicule qui se rendait à Kalemie. Une fois de plus je refusai d’entrer dans le véhicule tant que mon jeune frère ne trouvait pas une place. Il commençait à y avoir un attroupement quand une place lui fut cédée. J’entrai devant le Land Rover à côté du Commissaire Sous régional Bondembe Bena Ndjombe et fis signe d’encouragement à ma mère.
Le véhicule démarra en prenant la route de Nyunzu pendant que le Commissaire de zone avec ses militaires avaient pris la direction de Kongolo. Il faisait déjà nuit quand nous arrivions à la frontière de la zone de Kongolo et Nyunzu. Le véhicule s’arrêta à Pende, où le responsable du lieu sans doute prévenu avait organisé une réception en faveur des autorités de la sous région. Je me trouvais mal à l’aise et surtout très méfiant du repas qui était présenté. De Pende nous arrivâmes à Nyunzu où nous ne tardâmes pas. La nouvelle d’une barge des militaires qui avait fait naufrage dans le lac Tanganika occupait toute la conversation de mes geôliers.
Il y avait des agents de l’office de route qui attendaient à Nyemba pour nous faire traverser la rivière Lukuga par leur bac. Vers cinq heures du matin, nous arrivâmes à Kalemie. L’homme que le Commissaire de zone de Kongolo m’avait présenté comme étant son Secrétaire entra à la réception de l’hôtel du lac. Y sortant il dit quelque chose au Commissaire Sous Régional et aux deux officiers avant que le véhicule ne se dirige vers le bureau de l’AND.
Je fus mis à la disposition des gendarmes de garde pendant que Martin était libre.
L’inspecteur de l’AND, le citoyen EBULU m’interrogea en ayant prit soin d’enregistrer mes déclarations. Tout avait tourné autour des activités de l’UDPS et d’une éventuelle milice à mes services. Je tâchai de lui répondre en toute franchise.
Ayant demandé si je pouvais m’en aller après l’interrogatoire, l’inspecteur me répondit que je devais rester dans la cour de l’AND.
Il y avait une dizaine de témoins de Jéhovah que j’avais trouvé en détention pour avoir exercé leur culte. C’est avec eux que je devais partager mes premières nuits dans un local du bâtiment de l’AND servant de bureau des collaborateurs de l’inspecteur.
Les témoins de Jéhovah s’occupaient la journée le long du lac Tanganika, de chèvres de l’inspecteur Ebulu qu’ils faisaient boire et paître. Je choisis un coin de la cour de l’AND pour m’installer à même la terre avec mon petit poste de radio qui m’aidait à occuper mon temps. Devant ces scandaleuses conditions de détention, l’inspecteur Ebulu me logea pendant quelques temps à l’hôtel du lac, juste le temps qui lui avait fallu pour me trouver un matelas.
Je reçus régulièrement à l’hôtel du lac le citoyen Masimango dont l’épouse m’apportait quelques fois à manger et eu l’occasion de faire connaissance avec Générose, la cousine de ma belle sœur Anastasie. Elle vivait à Kapulo avec sa maman pendant que son père faisait son service militaire dans un campement au bord du lac Tanganika.
Remis dans l’enclos de l’AND, j’écrivis une lettre à l’inspecteur Ebulu avec copie pour information à sa hiérarchie pour réclamer mes droits à l’alimentation, à la visite, aux soins médicaux, à l’assistance au culte et à la correspondance. Je condamnai la détention de témoins de Jéhovah et les tracasseries administratives qu’avaient connues les activités de mon épouse dans le seul but de porter atteinte à notre moral.
D’abord, de temps à autre, l’inspecteur de l ‘AND/Kalemie remettait à Martin qui le lui demandait un montant pour l’achat des aliments. Puis il semblait donner cette charge au phoniste Pongo César qui était son collaborateur et enfin se plaignant de la sous région qui ne lui remettait pas de l’argent, il m’avait abandonné à mon propre sort.
Mon jeune frère alla habiter à la résidence de papa Rubbeni Ngombe, oncle maternel de notre papa dont l’épouse, maman Bizuli à qui Martin remettait de l’argent se chargea de me préparer quotidiennement à manger et me l’apporter.
Peu avant le début de la nouvelle année scolaire Martin rentra à Mbulula. Son départ coïncida heureusement avec la venue à Kalemie de mon neveu Imbwembwe Yuma alias Dallas. Ce denier le remplaça auprès de moi. Il me représentait et agissait à mon nom dans la recherche de ma subsistance.
Gilbert Ilunga, le gérant du guest house et mon épouse, venus respectivement de Kongolo et de Lubumbashi m’avaient apporté une contribution. De fois il m’est arrivé de demander une aide au citoyen Primo, médecin de la place ou au citoyen Meka, un homme d’affaires.
Des personnes courageuses telles que Pascal Katala et Emmanuel Luzige de Mbulula me visitaient, d’autres étaient intimidées et parmi eux Ilunga Lubambula le gérant de mon guest house. Il craignait de rester à mes côtés prétextant qu’il était menacé d’arrestation, il avait été de même de Masimango qui avait cessé de me visiter.
Il m’est arrivé de demander l’autorisation de me faire soigner. L’inspecteur de l’AND me faisait escorter pour me rendre aux cliniques de Kalemie. Il n’y avait malheureusement pas d’ophtalmologue pour examiner mes yeux dont la vue diminuait progressivement ! Etait-ce suite aux coups reçus en 82 au T 2 Lubumbashi ou tout simplement pour motif de dormir dans une salle où on n’éteignait pas de lumière ? Etait-ce parce que pendant des journées entières j’étais exposé aux lumières solaires même pendant mes lectures ?
A l’occasion d’un de mes passages aux cliniques je rencontrais Antoine Kasama beau-frère et ancien gérant de scierie de mon grand frère Athanase. Ayant été sous escorte notre conversation n’était pas aisée.
Je ne reçus pas l’autorisation de me rendre à l’église ni celle de recevoir un prêtre et malheureusement contrairement à la situation que j’avais connu à Luiza ou à Makala aucun prêtre ne vint me visiter.
L’inspecteur de l’AND saisissait toute correspondance m’envoyée ou que je tentais d’expédier. Cela ne m’empêchait pas de recommencer à telle enseigne que j’avais pu adresser des correspondances aux autorités politiques et même aux avocats étrangers.
En dehors de ma lettre de protestation du 13 octobre 1986, certains événements me permirent de traduire ma pensée. Il en était ainsi lors de l’entretien que j’avais eu avec le Général MAHELE pendant son séjour à Kalemie, de contenu de ma note au Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et à la Décentralisation, le citoyen Mwando Nsimba de passage à Kalemie et à l’occasion de mes rencontres avec le Commissaire Sous Régional du Tanganika, le citoyen Moupondo Mafundji.
Il faisait déjà noir lorsqu’une jeep militaire abord duquel se trouvait l’inspecteur de l’AND vint me prendre dans l’enclos de l’AND pour une destination que je ne connaissais pas.
Lorsque les militaires me demandèrent de pénétrer dans une villa de Filtisaf, c’est alors que j’appris que j’allais rencontrer le Général Mahele.
M’ayant demandé de prendre un verre de Tembo je n’acceptais pas prétextant que mon état de détenu ne me permettait pas de jouir d’un tel luxe.
Le Général m’informa qu’il avait rencontré au Kasaï mes collègues anciens parlementaires et de ce fait pendant son passage à Kalemie il avait souhaité me rencontrer pour me faire réfléchir sur ma situation. J’étais encore jeune et ce qu’il me fallait était de travailler pour aider ma famille dont les petits frères étaient à ma charge.
Il me dit aussi qu’il connaissait le citoyen Ngalula dont les enfants étudiaient à l’Athénée de Gombe dès avant l’indépendance et dont la vie était aisée tout comme Tshisekedi, qui à Mbuji Mayi lors de la présentation de l’hymne national, “ la Zaïroise,” portait encore la toque et la canne comme le Président Mobutu.
Le Général me demanda de réfléchir parce que même la maison de Kongolo que je disais mienne, il allait la prendre pour y mettre ses services. Lui ayant assuré ma conviction à la lutte pour la démocratie il m’apprit que le lendemain il allait visiter les militaires au front dans les montagnes le long du lac et qu’il m’amènerait pour que j’aille me rendre compte de souffrances des soldats, puis il m’autorisa de repartir.
Je lui remis une copie de ma lettre dans laquelle je me plaignais des conditions de détention et du comportement du citoyen Ebulu qui arrêtait les témoins de Jéhovah et les soumettait aux corvées.
L’inspecteur Ebulu se fâcha énormément contre moi et ordonna qu’on ne me visite pas et surtout qu’on m’arrache toute correspondance qu’on pouvait me surprendre avec.
Le Général Mahele quant à lui ne m’envoya pas le véhicule pour me chercher le matin afin que je me rende au front !
Comme la nouvelle de mon voyage au front s’était déjà repandue, d’aucuns affirmaient que j’allais y être exécuté.
En ce qui concerne ma note au Commissaire d’Etat MWANDO NSIMBA,
ayant appris que le Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et à la Décentralisation allait recevoir les gens lors de son séjour à Kalemie, j’écrivis une note dans laquelle je lui demandais de mettre un terme à la persécution ordonnée par le Gouverneur dont j’étais victime alors que mes collègues continuaient à séjourner calmement dans leurs villages d’origine.
Je demandai à mon jeune neveu Imbwembwe de lui amener cette note et si possible de m’apporter la réponse, c’est en vain que j’attendis la réponse.
Le passage du citoyen Mwando avait eu lieu peu après l’arrivée massive de Bena Lulenge à Kalemie.
Ces tusti venaient d’Uvira pour partir s’installer dans les Vyura, zone de Moba. Etant donné que Mwando était Gouverneur du Kivu avant de devenir Commissaire d’Etat à l’Intérieur, certaines langues affirmaient que cela se faisait avec sa complicité et ainsi quant à un moment ces tusti furent détenus à l’AND pendant la prériode que j’avais été logé à l’hôtel du Lac, il nous avait été rapporté que l’ordre de les relâcher était venu des autorités de la Territoriale.
Pour ce qui est de mes rencontres avec le Commissaire Sous Régional MOUPONDO, lorsque dans l’enclos de l’AND/Kalemie j’appris que la sous région de Tanganika venait d’avoir un nouveau Commissaire Sous Régional en la personne de Moupondo et que la personne que mon informateur avait ajouté que c’était un juriste comme moi, j’avais fondé beaucoup d’espoir en ce nouveau venu, parce que je me disais pouvoir découvrir une vieille connaissance de la faculté ou du barreau.
Toutes mes demandes pour le rencontrer n’obtinrent pas gain de cause et pourtant pour l’AND, je dépendais du Commissaire Sous Régional. C’est donc lui qui devait répondre à mes besoins d’alimentation.
Alors que mon épouse était venue me visiter, j’attendais d’être appelé par l’inspecteur de l’AND auprès de qui j’avais formulé la demande d’audience.
Celui-ci malgré la promesse de me recevoir qu’il avait donné le matin voulait s’en aller vers 14 heures sans m’appeler, ce qui me révolta et me fit décider de le joindre à son bureau.
Au sujet de mon alimentation il me répondit qu’il n’en pouvait rien et que la sous région ne lui donnait rien.
Je lui avais alors demandé de me laisser partir à la sous région poser moi-même le problème au Commissaire Sous Régional ce qu’il refusa. Je me mis à lui démontrer que ma détention par lui ne reposait sur aucune base legale étant donné qu’à plusieurs reprises sa hiérarchie avait affirmé que j’étais à la disposition de la territoriale. Il fallait qu’il refuse de me garder à l’AND comme il n’avait pas de possibilité de me nourrir. Je conclus enfin que c’était dommage qu’il n’était pas lui même un juriste mais plutôt un ancien de l’IPN en Anglais, c-à-d un professeur qualifié qui devait donner cours à nos élèves qui en manquaient au lieu de se mêler aux problèmes auxquels il n’avait pas la compétence voulue.
L’inspecteur donna l’ordre à ses collaborateurs de me mettre au cachot. Ainsi Baruani et les gendarmes se saisirent de moi et malgré ma résistance, ils me jetèrent dans le cachot en compagnie de mon épouse.
Notre bébé qui était resté à l’extérieur du cachot se mit à pleurer tellement que mon neveu Imbwembwe l’amena au bureau du Commissaire Sous Régional et revint nous libérer du cachot sous les yeux complaisants de collaborateurs de l’inspecteur.
Sorti du cachot je me mis à courir vers le bureau du Commissaire Sous Régional, suivi des gendarmes et de mon épouse. Je rencontrai ainsi pour la toute première fois mon soit disant confrère du Barreau de Kinshasa comme moi, Maître MOUPONDO qui était en pleine conversation avec l’Inspecteur de l’AND. Le Commissaire Sous Régional donna un peu d’argent ce jour là et promit de mieux suivre le dossier tout en nous demandant de rentrer à l’AND.
Je me mis à m’arranger avec les gendarmes pour quitter certaines nuits mon lieu de détention et me rendre dans les débits de boissons situés dans le quartier Kamukolobondo.
Ayant reçu un peu d’argent d’un bon samaritain, je fêtai la Noël en bonne compagnie à l’AND même. Certaines personnes croyaient que j’étais le frère de l’opérateur de phonie, César, qui habitait avec sa famille dans l’enclos de l’AND et avec lequel je m’étais fait photographié.
L’inspecteur de l’AND ne se plaignit pas d’une manière ferme. Il se vérifia quelques jours après que je ne devais plus être gardé à l’AND. Le Commisaire Sous régional avait convoqué le Commissaire de zone de Kongolo, le Chef de Collectivité de Nyembo, le Chef de Localité de Kayanza et le Commandant de la Gendarmerie pour être instruits de mes nouvelles conditions de bannissement à Kayanza.
En effet, depuis le 6 décembre 1986 le Gouverneur de la région du Shaba avait ordonné mon retour à Kayanza.
Le lendemain du nouvel an 1987, les bruits faisant état de l’arrivée à Kalemie du Commissaire de zone de Kongolo pour me prendre couraint et cela se concrétisa le 4 janvier 1987.
Extrait du lieu de ma détention pour le bureau du Commissaire Sous Régional, j’yavais trouvé une assemblée dans laquelle se trouvait aussi le chef de localité de Kayanza, le citoyen Mukalamusi.
Le Commissaire Sous Régional Moupondo prit la parole pour me signifier qu’il me mettait dans les mains du chef de localité de Kayanza et à cet effet, il avait signé une décision dont le contenu ci-dessous.
MOUVEMENT POPULAIRE DE LA REVOLUTION
REPUBLIQUE DU ZAIRE
REGION DU SHABA
SOUS REGION DU TANGANIKA
ARRETE SOUS REGIONAL N° 3072/001/87 PORTANT
MESURE D’EXECUTION DE L’ARRETE REGIONAL
N° 10/107/CAB/PR-MPR/GR/SH/86 DU 6 DECEMBRE 1986
Le Président sous régional du MPR
Vu la Constitution,
Vu l’Ordonnance-loi n° 82-006 du 25 février 1982 portant Organisation Territoriale, Politique et Administrative de la République, spécialement en son article 35, alinéa 2 et 38 in fine ;
Vu l’Arrêté Départemental n° 86-513 du 23 août 1986 du Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et Décentralisation portant affectation des Présidents sous-régionaux du MPR et Commissaires Sous régionaux ;
Vu le Décret-loi n° 1/61 du 25 février 1961, relatif aux mesures de sûreté de l’Etat, spécialement les articles 5 et 7 ;
Vu l’Arrêté ministériel n° 05/02 du 22 avril 1961 portant mesures d’exécution du Décret-loi n° 1/61 du 25 février 1961, tel que modifié par l’arrêté ministériel n° 002/63 du 20 mars 1963 ;
Vu l’Arrêté régional n° 10/107/CAB/PR-MPR/GR/SH/86 du 6 décembre 1986 portant mesure administrative d’éloignement ;
Vu l’Opportunité et l’Urgence,
ARRETE
Art 1er : Le citoyen LUMBU MALOBA NDIBA fait l’objet de mesure administrative d’éloignement dans
sa localité d’origine KAYANZA, collectivité chefferie de BENA NYEMBO, zone de KONGOLO.
Art 2 : Il est interdit à l’intéressé de se déplacer en dehors des limites de la localité KAYANZA.
Art 3 : Le Président du Comité Populaire et Commissaire de zone de KONGOLO, le Commandant sectionnaire de la Gendarmerie nationale à KONGOLO, le chef de Poste de l’AND/D de KONGOLO, le Dirigeant de zone de la JMPR/KONGOLO, le chef de collectivité chefferie des BENA NYEMBO et le Chef de Localité KAYANZA, sont chacun en ce qui le concerne, chargés de l’exécution du présent Arrêté qui entre en vigueur le jour de sa signature.
Fait à Kalemie, le 03 janvier 1987.
Le Commissaire Sous Régional Du Tanganika
MOUPONDO MAFUNDJI
Après avoir entendu le Commissaire Sous Régional je lui posais la question sur mes biens. La réponse qui m’avait été donnée était que mon immeuble de Kongolo restera fermé, l’hôtel Bouger et Faire Bouger ne pourra pas réouvrir ses portes.
En me demandant de ne pas quitter les limites de Kayanza tout en ne permettant pas à ma famille de jouir de son immeuble de Kongolo l’autorité de la territoriale ne visait qu’à porter atteinte à mon moral, celui de mon épouse et de mes enfants.
Je condamnais énergiquement la décision du Gouverneur et me mis à invoquer en cette journée du 4 janvier, Patrice Lumumba et tous les martyrs de l’indépendance d’intervenir pour donner au peuple la démocratie qui lui était confisquée. Sorti du bureau, je vis venir une jeep qui debarqua des policiers militaires qui se saisirent de moi en me brutalisant puis me jettèrent dans le véhicule qui me conduisit au cachot de l’Etat Major de la 13 è Brigade des forces armées zaïroises.
Chapitre 22. De ma détention au cachot de l’Etat Major de la 13eme brigade des FAZ, du deces du Fondateur Makanda et de mon déplacement de Kalemie à Gbadolite via Lubumbashi et Mbujimay,
Retiré du véhicule sous les coups, je fus jetté dans le cachot, où je m’étais trouvé saignant avec des habits déchirés. Il fut recommandé à mon neveu venu à la recherche de mes nouvelles de m’amener mon trousseau. L’AND n’ayant pas accepté le retrait du matelas que j’utilisais, c’est sur le pavement que je me couchais. Dallas me rencontra le lendemain pour m’informer que la délégation venue à ma recherche était rentrée à Kongolo sans moi parce que le Gouverneur de région, le citoyen Koyagialo avait ordonné ma détention pour avoir injurié le Président Mobutu.
Le colonel Mabiala, commandant de la 13è Brigade m’avait présenté aux militaires le lundi 5 janvier 1987. Le S2 qui eut la charge de me gérer était le capitaine Mutuale, celui-là même qui avait été me chercher en compagnie du commandant de la gendarmerie et de l’inspecteur de l’AND dans mon village de Kayanza. Son adjoint était un lieutenant qui m’avait connu en qualité de dirigeant au campus de Kinshasa alors qu’il était lui-même dirigent à l’Institut Pédagogique Nationale (IPN). Il ne cessait de raconter tout ce qu’il connaissait sur moi. Atteint de cholera, il avait malheureusement trepassé quelques jours après.
Il m’avait été remis ce matin de ma présentation une houe pour nettoyer la cour de l’état major. Chaque fois que je voulais me mettre à l’ombre l’ordre m’était donné de continuer à travailler. Je finis par rétorquer que j’étais un détenu politique et non pas un condamné aux travaux forcés. Sur l’ordre du colonel, ma barbe et ma coiffure m’avaient été enlevées brutalement.
Après analyse, je trouvais nécessaire d’envoyer mon neveu Dallas à Mbulula afin d’aller rassurer ma famille et la masse sur mon état de santé et aussi pour me chercher un matelas. Dallas fit ce voyage et eut l’occasion de remonter le moral de ma veuve mère qui était informée de ma persécution et de ma mort probable.
Effrayée à cause de ma détention dans un cachot militaire, Mama Bizuli qui m’apportait à manger à l’AND avait stoppé ses visites. Depuis lors seul l’élève Dallas préparait et m’amenait mes repas pendant que je lui remettais tout l’argent que j’attrapais et le chargeais d’en demander à mes connaissances.
Un collègue de l’université qui était juge permanent au Conseil de guerre, le major Mokako pria à mon jeune neveu de retirer auprès de son épouse un repas chaque fois que j’en manquais. Le colonel Mabiala commandant de la 13è brigade m’autorisa quand à lui de prendre mes repas au restaurant des officiers chaque fois qu’il était ouvert.
Mon horaire journalier était occupé principalement par l’écoute des nouvelles de mon petit poste de radio et par les lectures des revues. Depuis l’AND, le major Mokako m’offrait chaque semaine un numéro de jeune Afrique et cette fois-ci le colonel Mabiala par son S2 me donnait pour lire les revues Express, Paris Match et le Point.
Mes frères de tribu, l’adjudant Sangwa et le directeur de l’école primaire faz, Gilbert Lwamba me rencontraient chaque fois qu’ils avaient l’occasion de passer à l’état major pour raison de leur service.
De tous les officiers, le capitaine S1 Safari avait été celui qui m’abordait le plus pour discuter avec moi.
A Lubumbashi ayant été informée du changement de lieu de ma détention, mon épouse rejoignit Kalemie.
Comme en septembre, elle était avec son bébé Lumbu Muyenga, alias UDPS. Elle s’installa cette fois-ci chez Dallas à Kamukolobondo.
Ayant reçu une aide de l’Amnesty International, elle s’était arrangée à m’apporter un peu d’argent.
Nous nous entendîmes qu’elle se rende à Kongolo où des nouvelles de plus en plus alarmantes au sujet de la destruction de notre immeuble nous parvenaient.
A son retour de Kongolo, elle fit parvenir une note de protestation au Commissaire Sous Régional.
Par la voie des ondes j’appris un jour la nouvelle du décès du fondateur MAKANDA à Bruxelles où il avait été amené aux soins médicaux.
Selon les milieux de l’UDPS, Anaclet avait été victime de mauvais traitement et c’est avec beaucoup de retard qu’il avait été admis à l’hôpital.
Je me concentrais pour méditer sur notre vie commune mais aussi sur le mauvais traitement dont j’étais moi-même aussi victime.
C’est dans ce choc qu’il m’avait été rapporté que je devais m’apprêter à effectuer un déplacement pour GBADOLITE.
En effet le Commissaire Sous Régional de Tanganika m’avait fait parvenir à cette occasion sa note du 9 mars 1987 dont la teneur suit :
REPUBLIQUE DU ZAIRE Kalemie, le 9 mars 1987.
REGION DU SHABA
SOUS-REGION DU TANGANIKA N° 3072/092/M4
Transmis copie pour information aux :
– Citoyen Président Régional du MPR et
Gouverneur de Région du Shaba
Objet : Transmission Arrêté à Lubumbashi
Sous régional – Citoyen Président du Comité
N° 3072/001/87 du Populaire et Commissaire de zone
3 janvier 1987 à Kongolo
Au citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
à Kalemie.
Citoyen,
J’ai l’honneur de vous transmettre l’Arrêté Sous Régional n° 3072/001/87 du 3 janvier 1987 portant mesure d’exécution de l’arrêté régional n° 10/107/CAB/PR-MPR/CP/TH/86 du 6 décembre 1986 portant mesure administrative d’éloignement dans votre localité d’origine, Kayanza.
Veuillez m’en accuser réception.
Sentiments patriotiques et révolutionnaires.
LE PRESIDENT SOUS REGIONAL DU MPR
ET COMMISSAIRE S/REGIONAL DU TANGANIKA
Me MOUPONDO MAFUNDJI
En me remettant son arrêté qu’il avait gardé le 4 janvier 1987 lorsqu’il m’avait fait détenir au cachot de l’Etat major de la 13e brigade, le Commissaire Sous Régional avait mis fin à mon état de détenu qu’il m’avait imposé irrégulièrement sur ordre du Gouverneur Koyiagialo.
Je pris la précaution de prendre mon matelas avec moi avant de prendre place abord d’une jeep militaire. Un adjudant chef de S 2 qui avait pour mission de me convoyer s’assit à mes côtés dans le véhicule puis dans l’avion qui nous conduisit à Lubumbashi.
L’adjudant chef S2 obtint à l’aéroport de Lubumbashi un véhicule qui nous amena à la région militaire où je restai gardé à vue pendant qu’il se mit à faire les démarches pour annoncer ma présence à Lubumbashi.
Le soir il me céda au citoen DE BONGO de l’AND/Lubumbashi qui me conduisit à la résidence GCM de Changelele où je fus rejoint dans l’antichambre par le fondateur Kibassa Maliba, extrait du cachot de T 2 /Lubumbashi.
Lorsqu’on nous fit signe d’entrer dans le salon, nous y rencontrâmes le doyen Joseph Ngalula qui s’entretenait avec les deux Gouverneurs respectivement du Shaba et du Kasaï oriental, à l’occurrence les citoyens Koyagialo Ngbase Te Gerengo et Jacques Mpambia.
Le Gouverneur du Kasaï Oriental était accompagné par son Conseiller politique KATENDE WA NDAYA.
Nous prîmes ensemble notre repas. Ayant été informé du déplacement que nous devions faire le lendemain pour Mbuji Mayi, je suppliai le citoyen DE BONGO à me permettre de visiter ma famille pendant quelques temps au quartier Bel Air, ce qu’il autorisa en m’y accompagnant. Il était tard la nuit lorsque je fus amené sur Eucalyptus.
J’avais trouvé mes enfants déjà endormis et me contentai de m’entretenir avec mon épouse puis j’avais été placé dans un local situé dans une maison aux environs du bâtiment de cinquantenaire.
Devant partager le lit avec le citoyen Kibassa, ce dernier exiga de rentrer passer sa nuit à son cachot de T 2.
Le matin avant de voyager, je fus conduit auprès du collègue Ngalula logé dans une villa de Gécamines. Je pris mon déjeuner avec le Conseiller Katende tout en réflechissant au sujet de la différence de traitement qu’il y avait entre nous fondateurs.
C’est par le jet de Gécamines que nos nous déplaçâmes pour Mbuji Mayi en compagnie du Gouverneur du Kasaï Oriental.
A la résidence du Gouverneur de région, nous fûmes rejoints par les fondateurs Kanana et Lusanga et prîmes ensemble le repas du soir avant d’être conduits dans une villa Miba.
Logés deux à deux par chambre, je partageais mon lit avec le fondateur Kanana pendant que Lusanga le fit avec Kibassa.
Voulant savoir où était logé le fondateur Ngalula, j’appris qu’une villa lui avait été réservée.
Nous prîmes notre déjeuner le matin à la résidence du Gouverneur en nous inquiétant sur l’absence du collègue Etienne Tshisekedi alors que le Gouverneur Mpambia nous rassurait qu’il devait être en route.
A un moment donné l’ordre nous fut donné de nous rendre à l’aéroport. Nous nous tracassions beaucoup sur ce voyage que nous étions appelés à faire sans Etienne. Je murmurais à Lusanga que nous devions refuser à faire ce voyage tant que notre collègue Tshisekedi ne serait pas avec nous.
Fort heureusement Tshisekedi arriva et ensemble nous prîmes le grand Fokker de Scibe qui nous amena d’abord à Bukavu pour prendre le fondateur Faustin Birindwa avant de nous déposer à Gbadolite.
Dans ce Fokker, nous échangeâmes des nouvelles sur notre persécution. Pendant que les fondateurs kasaïens parlaient de leurs rencontres du lac Mukamba ou de leur vie dans leurs villages, moi et le Président Kibassa nous parlions de nos cachots de S 2 et T 2.
Le traitement était différent entre nous et encore plus avec le fondateur Ngalula qui ne prit pas place abord du Fokker parce qu’il avait voyagé à côté du Gouverneur Mpambia dans le jet de Gécamines.
Chapitre 23. De l’échec des négociations de Gbadolite,
A Gbadolite dès la descente de l’avion nous fûmes frappés par le niveau élevé de la chaleur. Il faisait certainement plus de 40° C. Un bus nous amena à une résidence que nous découvrîmes être celle de Moleka à la vue de ses portraits qui pendaient aux murs.
Un rafraîchissement nous fit servi avant le repas qui nous avait été apporté du palais présidentiel. L’air conditionné nous fit préférer un séjour dans la villa qu‘au dehors.
Le soir nous fûmes amenés à une villa dans laquelle nous avions été installés pour attendre le Président Mobutu.
Quand ce dernier entra dans la salle sans protocole, je ne le reconnaissais pas très bien à cause de la déficience de ma vue. Je ne me levai que quand je vis mes collègues se mettre débout.
Le Président nous avait reçus hors de tout son monde. Ainsi donc, le Gouverneur Mpambia, le Conseiller Spécial NKema et le citoyen BANYAKU, assistant du Conseiller Spécial ne participèrent pas à la séance du travail.
Voulant s’enquérir de mon goût, le Président m’appela “ le barbu ”, ce qui fit rire tous mes collègues habitués à me voir avec une longue barbe et une chevelure touffue complètement diminuées parce que coupées régulièrement par mes geôliers.
Je dis au Président que j’avais appris que c’était lui qui avait donné l’ordre que ma barbe et ma chevelure soient enlevées régulièrement. Cela fit rire davantage mes collègues pendant que le Président Mobutu s’écriait, qu’il était accusé de tout.
Nous attendions qu’il nous dise la raison de la rencontre pendant qu’il attendait aussi que nous lui donnions le message que nous avions.
La stratégie du Doyen Ngalula et le Conseiller Spécial Nkema était à découvert car personne de nos collègues du Kasai Oriental qui avaient été aux rencontres du lac Mokamba avec le Gouverneur Mpambia ne voulait révéler les conclusions auxquelles ils avaient abouti.
Pendant la séance, le Président s’énervait lorsque Tshisekedi lui disait ce que disait pourtant aussi Ngalula et qu’il tolérait. S’inspirant du nouveau testament, je l’avais entendu même s’exclamer quand un fondateur avait cité le nom Etienne, « qu’Etienne était le premier martyr ».
Pour le Président Mobutu, s’inspirant de l’exemple du Parti socialiste français, il acceptait que l’UDPS s’organise en tant qu’une tendance au sein du MPR. L’UDPS pourrait même amener le MPR à changer mais en étant dedans.
En sa qualité de garant, il était obligé de défendre la constitution afin qu’elle ne soit pas violée. Comme cette constitution proclame que le MPR est un parti Etat, nous ne pouvions donc pas nous trouver hors du MPR et être zaïrois, concluait-il.
Ayant enregistré son message nous nous retirâmes à la villa Moleka, très déçus, après lui avoir promis de discuter d’abord entre nous-mêmes avant de donner notre point de vue.
Dès la soirée nous eûmes une séance de travail entre fondateurs, séance au cours de laquelle la majorité rejeta la recommandation de diluer l’UDPS dans le MPR.
A une autre séance de travail entre nous fondateurs avaienr été associés le Conseiller Spécial Nkema, le Gouverneur du Kasaï Oriental Mpambia et le citoyen Banyaku, Assistant du Conseiller Spécial. Cette fois-ci nous signifiâmes notre position négative pretextant n’avoir pas été mandatés par notre base pour prendre une telle décision et que même en notre qualité de fondateurs nous étions minoritaires.
Alors qu’il était prévu qu’une autre séance de travail allait avoir lieu entre les fondateurs de l’UDPS et le Président de la République, cette séance n’eût plus lieu.
Toute la nuit le Gouverneur Mpambia nous fit pression prétextant que notre position contrariait son mandat et la vie de ses enfants. Le fondateur Tshisekedi lui répondit expressément que nous aussi, nous avions des enfants et que notre préoccupation avait trait aux problèmes du pays et non à la vie des enfants soient-ils les nôtres.
Le doyen Ngalula semblait aussi être abattu par le résultat de notre délibération et se préoccupait plus par le problème de notre survie. Il s’étonnait du fait qu’alors que je me plaignais de ma vie matérielle et financière, je venais de soutenir par une intervention fracassante la continuation de cette vie là.
Les concertertations se porsuivirent par groupe dans les chambres nous attribuées au Motel Nzekele. Je trouvais certains de mes collègues pour leurs faire-part de la nécessité de l’entraide entre nous en soulignant plus particulièrement mon cas. Je les mis au courant de l’acharnement du pouvoir contre même ma subsistance par la scellée de mon immeuble de Kongolo. J’insistai sur le fait que la sous alimentation et les maladies de mes enfants préoccupaient mon épouse et qu’il y avait même crainte de perte de vie.
Plusieurs collègues étaient indifférents à mes plaintes pourtant apparemment certains avaient sur eux de l’argent, beaucoup d’argent.
Cette indifférence troublait mon esprit. Je sentais comme si une flèche s’enfonçait dans mon cœur. Je m’adressai plus particulièrement au collègue Lusanga avec lequel j’avais beaucoup de familiarité et qui possédait des hôtels à Likasi et à Lubumbashi à proximité de mon épouse.
Reconnaissant des gestes que de temps à autre sa famille posait à l’égard de la mienne, je lui demandais de recommander l’élévation de la hauteur du geste et aussi la régularité.
Il me remit une note par laquelle il ordonnait à son gérant la régularité mais ne céda pas pour la hauteur.
Me taquinant sur l’effet de mon intervention auprès des proches du Président il soulignait que j’étais la cause de la maladie du doyen Ngalula.
En effet celui-ci gardait son lit et sa tension marquait le 23°. Je me rendis à son chevêt et présentai mes excuses sur le radicalisme de mon intervention qui devait lui avoir mal fait. Le doyen me rassura qu’il ne regrettait pas et que je ne pouvais pas me tracasser sur cela car l’intervention était bonne.
Tout le programme des visites qui nous avait été soumis à notre arrivée n’était plus exécuté. Il nous fut rapporté que le Président Mobutu n’allait plus nous recevoir. Il avait déjà été informé par ses collaborateurs du résultat de notre délibération et qu’il était tout furieux.
On ne parlait plus de notre libération mais plutôt du retour d’où nous venions. Moi qui devais me trouver à Kayanza en bannissement mais qui venait directement du cachot de l’Etat major des FAZ/Kalemie, je ne connaissais pas mon sort !
La journée était morne et la nuit encore plus. Tout le monde semblait se tracasser de la santé du fondateur Kibassa qui était tout maigre et portait même une barbiche.
Tôt le matin il fut demandé à Birindwa, Kibassa et moi-même de prendre place abord du véhicule pour être embarqués dans l’avion qui devait nous remettre d’où nous venions.
Le Fokker de Scibe piqua avec nous sur Bukavu. Je vis le fondateur Birindwa remettre de l’argent au Président Kibassa. Je lui demandai de me donner aussi quelque chose étant donné que je regagnais un cachot alors que lui rentrait à son hôtel. J’obtins après insistance une somme insignifiante.
Le Fokker n’ayant pas continuer ce même jour sur Lubumbashi, nous devrions être présentés chez le Gouverneur. Le véhicule se mit à sa recherche d’abord à son bureau puis à sa résidence. Sur demande de l’épouse de notre collègue Birindwa nous prîmes notre repas dans leur hôtel “ Hôtel Riviera ”, où le service de l’AND avait pris les précautions de renvoyer tous les clients.
Pour dormir, il ne nous avait pas été permis à moi et Kibassa que les chambres nous soient préparées à cet hôtel. Nous avions été conduits dans une maison de service de sécurité.
Le Redoc de Bukavu, citoyen Musenge était un shabien que j’avais connu à la faculté de droit et qui se trouvait aussi être cousin de l’épouse du citoyen Kibassa.
Le Gouverneur était un muluba du Shaba qui s’appelait KILOLO MUSAMBA. Il semblait être très gêné par notre présence dans sa juridiction. Le lendemain le Fokker de Scibe-Zaïre longea les lacs Kivu, Tanganika et Moero pour nous debarquer à Lubumbashi.
Chapitre 24. De l’ordre de renforcer les mauvaises conditions de ma détention.
Le citoyen De Bongo qui nous prit à l’aéroport me mit dans l’enclos de l’AND et partit avec le fondateur Kibassa à son cachot de T2.
A son retour je lui demandai si je pouvais rejoindre la résidence de mon épouse au Bel air. Sa réponse fut négative parce que l’ordre qui venait de la hiérarchie recommandait que mes conditions de détention soient renforcées alors que pour Kibassa il fallait qu’on les allège.
La différence de traitement était déjà énorme entre les fondateurs Katangais et les autres et voilà qu’il était demandé maintenant que je sois beaucoup plus maltraité.
Il ressortait de l’analyse que je faisais de notre séjour à Gbadolite que la raison n’avait été que ma ferme intervention allant à l’encontre du souhait du Président Mobutu.
J’avais en effet, souligné à Gbadolite “ que ma famille luttait pour sa survie et que moi-même j’étais détenu dans les conditions atroces. Ma mort ou celle d’un de mes enfants pouvait intervenir incessamment mais pour aucune raison cela ne me pousserait à engager tous les membres de l’UDPS se trouvant éparpillés à travers le pays et le monde en disant que l’UDPS n’était plus un parti. Même au niveau du collège des fondateurs nous ne nous trouvions que quelques-uns à Gbadolite pendant que d’autres n’étaient pas appelés alors qu’ils étaient parfois plus proches de Gbadolite, c’était le cas du fondateur Bossassi qui se trouvait à Bolomba dans la région de l’Equateur. Il serait impossible de se prononcer au nom de ceux qui ne nous avaient pas donné leur mandat et que le mieux serait de convoquer une réunion plus large des fondateurs avant de donner un avis quelconque.”
Plusieurs fondateurs qui avaient pris la parole après moi avaient soutenu cet avis ! Ma faute était celle de parler avant les autres ?
De l’enclos de l’AND, De Bongo me conduisit à sa résidence qui était contiguë à l’immeuble administratif de l’AND. Je fus consigné dans son salon où je passais toutes mes journées en attendant mon évacuation pour Kalemie. J’avais eu à y faire connaissance avec son jeune frère Monza 1er qui excellait dans la musique.
Les nuits, j’étais conduit au Bel air où je réveillais mon épouse et elle même réveillait ses enfants pour qu’ils me saluent parce que tôt le matin je regagnais son salon cachot. Je m’intéressais à connaître le comportement de mes frères, connaissances et membres du parti à l’égard de ma famille. Hélas avec beaucoup d’amertumes, je conclus que ma famille à Lubumbashi souffrait de la même solitude que moi-même à Kalemie.
A quelques exceptions près, notre sacrifice passait dans l’indifférence totale et parfois dans la moquerie : Comme une lépreuse, mon épouse était chassée poliment de résidences des amis auprès desquelles je lui avais recommandée, tout simplement parce qu’elle pouvait les entraîner dans les difficultés avec le pouvoir ! Seule la famille Lusanga, le grand combattant Lipu Kanyonge et des sections de l’amnesty international de Belgique, Allemagne, France et Angleterre auxquelles, elle avait écrit, allégeaient de temps à autre ses atroces souffrances, celles de mes enfants et même les miennes.
Certaines aides lui envoyées par l’amnesty ne lui étaient pas parvenues parce que difficilement identifiée par les intermédiaires. Elles avaient été remises parfois au fondateur Shabien le plus connu, qui était le Président Kibassa Maliba.
Mon séjour lushois prit fin lorsque De Bongo décida de me faire voyager par la jeep de la sous région de Tanganika qui se trouvait à Lubumbashi.
J’avais failli voyager ensemble avec le combattant KANKONGE qui était banni à Moba que le citoyen De Bongo garda à son cachot de Lubumbashi pour les raisons que je ne connaissais pas.
Nous avions quitté Lubumbashi dans un après midi. Dans la jeep Land Rover se trouvait aussi le Commissaire de zone de Manono. Après Likasi, le véhicule prit la route de Luambo puis traversa Bukenya et s’engagea vers Mitwaba que nous atteignîmes le matin.
Une chaude discussion m’opposa à un moment au Commissaire de zone qui exaltait le MPR jusqu’à me menacer de me mettre au cachot à Manono.
Il ne me mit pas cependant au cahot à notre arrivée dans sa juridiction car une chambre me fut octroyée à l’hôtel de monseigneur Kabwe.
Je vis à cet hôtel le chef de sous division de l’enseignement un très proche de mon frère Kilanga Kufi qui s’appellait Stanislas Kikasa.
Le lendemain avant de quitter Manono, notre véhicule passa chez le chef de cité que j’avais reconnu en la personne de Ngoy wa Ngalula. Après Manono nous traversâmes par bac la rivière Luvua avant d’atteindre Kiambi et dans l’après-midi approcher Nyunzu.
Nous n’arrivâmes cependant pas à Nyunzu parce que nous avions pris directement la route menant à Kalemie. J’appris à ce lieu que le Commissaire Sous Régional avait dépêché les militaires pour m’attendre à Nyunzu afin de m’empêcher d’aller à Kongolo. Il avait reçu de sa hiérarchie l’ordre de me remettre au cachot de l’Etat major des FAZ à Kalemie au lieu d’appliquer l’ arrêté qu’il m’avait remis. Les mauvaises conditions de détention à mon égard devaient être renforcées.
A notre arrivée vers 20 heures à la villa du Ciment-Lac qui servait de résidence au Commissaire Sous Régional, ce dernier ordonna ma remise au cachot de l’Etat major des FAZ où je retrouvai les policiers militaires qui y montaient la garde. Leur étonnement était grand parce qu’ils pensaient que j’étais libéré.
La nouvelle selon laquelle j’avais très mal parlé du Commissaire Sous Régional que j’appelais un soit disant Moupondo qui se disait maître était répandue. Considéré comme un dur qui n’avait pas voulu se plier devant le maréchal, il n’était plus question de voir la cour. Tout mon temps, je devais le passer au cachot et même l’arrangement que je prenais avec certains gardes du cachot pour passer la nuit dans les couloirs des bureaux ou dans le barza n’était plus accepté.
Je devais partager le cachot avec des militaires sanctionnés en provenance du front de combat. Très sales, ils étaient aussi grands voleurs. Même pendant la journée ils pouvaient me soustraire des articles que j’avais dans mon trousseau.
La proximité avec ces inconnus m’avait énormément effrayé. Non seulement parmi eux pouvait être introduit mon bourreau mais aussi nous trouvant dans la saison des maladies de diarrhées et vomissements, je pouvais dans cet environnement mourir d’une mort qu’on allait appeler naturelle.
Au début du mois de mai 1987, le groupe folklorique des bambuli de Kayanza, appelé “ Appolo ” fut de passage à Kalemie. Certains parmi eux me firent parvenir le message traduisant des inquiétudes de ma mère.
En effet, mon jeune frère Martin qui était supposé se charger de son encadrement avait été arrêté et détenu à la prison de Kongolo pour avoir rendu grosse la fille de l’agronome Milanda.
Cette nouvelle me bouleversa beaucoup. La solitude dans laquelle était réduite ma mère après la mort de mon père, ma détention à Kalemie et voilà maintenant la détention de Martin était de nature à porter atteinte à sa santé physique et morale.
Je reçus aussi une note de Martin ayant trait à ses démêlées avec nos frères de Kayanza qui avaient abattu les palmiers qui étaient autour de la tombe de mon père. Je ne pouvais pas comprendre que la famille Mbundu, un an seulement après la mort de mon père ait accepté que quelqu’un fasse ce que j’avais interdit avec insistance.
Entretemps, le capitaine S 2 Mutwale qui me gérait céda sa place au nouveau capitaine qui s’appelait Malan, communément appelé officier de renseignement et originaire de la région de l’Equateur.
L’adjudant chef qui m’avait convoyé à Lubumbashi semblait devenir le responsable direct de mon dossier. Avait-il reçu depuis Lubumbashi des ordres précis à mon sujet ? En tout cas, il me disait avoir été formé aux Etats Unis comme Ranger et multipliait ses intimidations à mon égard.
Certains officiers se mirent à me mettre en garde, car selon eux des indices préludant d’ordinaire la martyrisation des individus apparaissaient et qu’il n’y avait pas de doute possible que je sois la victime toute désignée.
Les officiers qui étaient pointés avoir des relations avec moi étaient étroitement surveillés. Des militaires de garde étaient remplacés par de nouveaux venus qui ne me connaissaient pas. Des hommes de bonne volonté lancèrent les appels à mon épouse à Lubumbashi afin qu’elle vienne à Kalemie suivre de près l’évolution de la situation.
Alors que je ne recevais plus à manger du restaurant des officiers, le capitaine Malan m’apporta lui-même un déjeuner. Je l’entendis faire des remarques aux militaires de garde à mon sujet en ce qui concerne ma nourriture qui ne devait pas venir d’ailleurs.
Ayant été alerté à temps, je ne pris pas cette nourriture. Le soir un officier que je n’avais jamais vu à Kalemie ouvrit la porte de cachot et m’ordonna de le suivre. A peine sorti, il se mit à me raser et emporta mes cheveux. Toute la nuit, je m’attendais à être enlevé pour subir le sacrifice suprême. Dans la profondeur de la nuit, j’entendis la voix d’un officier de ma tribu qui s’adressait à moi dans ma langue.
Il me disait qu’on s’apprêtait à me faire du mal. Dans mon esprit vint des phrases que j’avais retenues des discussions avec les officiers. “ Notre pays a déjà connu beaucoup de martyrs anonymes et ce n’est pas de cela qu’il a besoin pour connaître le changement. Evitez de grâce de devenir un martyr inutile alors que vous auriez mieux servi le pays et votre famille en étant vivant. Au niveau où vous êtes arrivé, devenez plutôt un héros au lieu de mourir martyr, s’il vous arrivait de mourir maintenant ici à Kalemie vous ne serez malheureusement qu’un martyr anonyme.”
Chapitre 25. De mon refus de devenir un martyr anonyme,
Je me rappelais certains moments de ma vie où pour arriver à mes objectifs, j’avais du me faire violence en acceptant de m’humilier. Ce fut le cas à Sola à la fin de mes études primaires, ce fut aussi le cas lors de ma réintégration à l’université après mon renvoi du campus de Kinshasa en 1974. Je pris un morceau de papier hygiénique et me mis à écrire ce qui suit.
Kalemie le 11 mai 1987.
Objet : l’éponge sur le passé.
Citoyen Président Fondateur
L’entretien que nous avons eu à Gbadolite le 21/03/87 m’a permis de méditer dans mon cachot sur mes deux responsabilités ; celle envers mon pays et celle envers ma famille.
Envers mon pays : Exclu du Conseil Législatif suite à la lettre ouverte, j’ai fondé avec mes collègues l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), dans l’objectif de continuer à faire entendre ma voix, sur la nécessité de la démocratisation de notre Pays.
Pour cela, je suis en détention depuis plusieurs années et empêché de remplir ma responsabilité envers ma famille.
A l’occasion de l’entrée du MPR, dans sa 21 è année ; l’âge dont l’adolescence cède à la maturité : je vous demande de passer l’éponge sur le passé et de m’offrir les nouvelles chances de remplir respectivement mes deux responsabilités.
Veuillez croire, citoyen Président, à l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Maître LUMBU MALOBA NDIBA
J’appelais le garde et lui demandai de remettre de toute urgence à l’officier de renseignement cette note que j’avais adressée au Président Mobutu. Par cette note, je refusais de devenir un martyr anonyme, je refusais de mourir à quelques mois du décès du fondateur Makanda pour ne pas effrayer les autres fondateurs. Je n’acceptais pas de laisser mon épouse, mes enfants, ma veuve mère et mes frères sans encadrement.
L’officier de renseignement ne tarda pas à venir me rencontrer pour me dire que le Commissaire Sous Régional allait venir s’entretenir avec moi. Au bout de près d’une heure, je fus extrait en pyjama du cachot pour le bureau du colonel. Je le trouvai en compagnie du Commissaire Sous Régional.
Il me fut remis des papiers ministres afin que je puisse reproduire ma lettre parce que le Gouverneur qui avait déjà été mis au courant l’attendait. Après avoir mis au propre ma note je la remis au Commissaire Sous Régional.
Le lendemain matin je fus de nouveau extrait de mon cachot pour le bureau du colonel où je rencontrai de nouveau le Commissaire Sous Régional Moupondo. Il me dit que le Gouverneur avait été en contact avec le Président de la République mais que celui-ci ne voulait pas que sur ma note figure le mot détention. Je refis ma note en enlevant ce mot et la lui donnai.
Revenu pendant la journée, le Commissaire Sous Régional Moupondo me dit que je devais ajouter dans ma lettre que j’allais abandonner à militer dans l’UDPS.
Après avoir mentionné la nouvelle phrase qui m’était recommandée vint cette fois-ci me voir une personne qui me remit une lettre faite à mon nom, que je devais juste signer.
Cette note me faisait renier tout mon passé. Je refusais de signer cette note et dis que j’étais arrivé à la limite. J’ajoutais que si ma lettre telle que retouchée n’était pas acceptée par le Président de la République alors j’acceptais le sort qui m’était réservé. Cette personne n’insista pas, d’où le contenu de la note définitive avait été la suivante :
LUMBU MALOBA NDIBA Kalemie, le 13/05/1987.
A Kalemie
Objet : l’éponge sur le passé. Au Président Fondateur du MPR
à Kinshasa.
Citoyen Président Fondateur,
L’entretien que nous avons eu à Gbadolite le 21/03/87 m’a permis de méditer sur mes deux responsabilités, celle envers mon pays et celle envers ma famille.
Envers mon pays, Exclu du Conseil Législatif suite à la lettre ouverte, j’ai fondé avec mes collègues, l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), dans l’objectif de continuer à faire entendre ma voix sur la nécessité de la démocratisation de notre pays, ce qui m’amena dans des situations qui m’ont empêché de remplir ma responsabilité envers ma famille.
A l’occasion de l’entrée du MPR, dans sa 21e année ; l’age dont l’adolescence cède à la maturité, j’ai décidé d’abandonner mes activités dans l’UDPS et vous demande de passer l’éponge sur le passé et de m’offrir les nouvelles chances de remplir respectivement mes deux responsabilités au sein du MPR.
Veuillez croire, citoyen Président, à l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Maître LUMBU MALOBA NDIBA
Signé
Suite à ma lettre au Président Fondateur, il avait été décidé l’allégement de mes conditions de détention. Mon épouse me rejoignit juste à ce moment : Le message qui lui était arrivé avait effrayé toute la famille et sans préparation aucune elle avait décidé de m’apporter son soutien moral. Elle logea comme la dernière fois chez mon neveu Dallas.
Autorisée cette fois-ci à me visiter régulièrement, elle m’achetait des boissons auprès de l’épouse du citoyen Kasongo, Conseiller à la coordination catholique dont la résidence était située dans l’enceinte de l’école Amani.
Le soir du 20 mai 1987, elle venait à peine de me quitter quand l’ordre de mon évacuation de l’enclos de l’état major de la 13ème brigade des FAZ me parvint.
Je la rejoignis chez mon neveu Imbwembwe et commençai le lendemain les démarches pour regagner Kayanza mais le Commissaire Sous Régional Moupondo n’était plus présent à Kalemie.
Son assistant m’apprit qu’il n’avait pas encore des précisions sur ma destination qui ne sera pas Kongolo avant Lubumbashi.
Habitué à des voltes face du pouvoir je profitai de mon séjour en liberté à Kalemie pour répondre aux invitations de certains frères et pour faire les démarches de rentrer en possession de mon immeuble de Kongolo.
Des invitations des kalemiards aux dîners avaient été celles de Lwamba lwa Ngulimba de Filtisaf et de Tabu de la cité Kapulo dans les environs de quatre coins.
Tabu était homme d’affaires et voyageait régulièrement vers Kinshasa.
Originaire de Kongolo, il gardait le jeune Michel, fils d’André Mbungu qui de temps à autre m’avait visité à la cour de l’AND.
En nous apprêtant à longer l’avenue Katanga-Kivu pour rejoindre le lieu de rendez-vous nous vîmes un véhicule de l’Office de Route s’arrêter. Ses occupants étaient l’ingénieur Shukuru et son épouse, notre parente José, qui nous saluèrent avant de reprendre leur itinéraire. Kiabwe de Katambwe nous salua quanq à lui à la résidence de Tabu.
Lwamba était quant à lui une vieille connaissance de l’école primaire de Sola et parent de mon épouse. Il était chargé des approvisionnements à Filtisaf.
J’avais vidé avec lui toute une bouteille de Johnie Walker 72 cl. En nous remettant à Kamukolobondo la nuit, nous étions fatigués. Je vomis beaucoup cette nuit là et risquai même de tomber dans le fût mal couvert qui servait de W.C.
Chapitre 26. De ma demarche de la réouverture de mon immeuble Bouger et Faire Bouger,
Mon immeuble Bouger et Faire Bouger à Kongolo ayant été fermé dans le cadre de ma persécution politique, j’exigeai sa réouverture dès mon évacuation du cachot de la 13è brigade des forces armées zaïroises, ce qui m’avait été accordée.
Ci-dessous développées la manière dont la fermeture était intervenue, mes vaines protestations ainsi que celles de mon épouse et enfin la réouverture intervenue pour raison politique et pas du tout administrative !
Le Commissaire Sous Régional de Tanganika avait adressé un télégramme de fermeture de l’hôtel Bouger et Faire bouger d’ordre formel et impératif que le Commissaire de zone de Kongolo exécuta par sa lettre du 14 juillet 1986.
Ayant contesté le bien fondé de cette note et réservant une copie pour information au Commissaire Sous Régional de qui émanait l’ordre, ce dernier adressa lui-même une autre note de fermeture dans laquelle il invoqua les motifs de non-respect de règlement par l’hôtel Bouger et Faire Bouger.
Le Gérant de l’hôtel réagit par sa lettre du 18 août 1986 à l’intention du Commissaire Sous Régional pendant que le 13 octobre 1986, j’exigeais au Commissaire Sous Régional en réservant une copie aux maître Robert Charles Goffin et Eric Vergauwen du Barreau de Bruxelles, la remise de ma famille dans ses droits.
Ci-dessous le contenu de ces différentes notes :
– La lettre du Commissaire de zone transmettant l’ordre formel et impératif du Commissaire Sous Régional
République du Zaïre Kongolo, le 14 juillet 1986.
Région du Shaba
S/Région de Tanganika
Zone de Kongolo
N° 5072/0620/86
Transmis copie pour information aux.
– Citoyen Président Régional du MPR
et Gouverneur de la Région du Shaba
à LUBUMBASHI
– Citoyen Président Sous Régional du MPR
Commissaire Sous Régional du Tanganika
A KALEMIE
– Citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
Responsable de l’hôtel Bouger et Faire Bouger
A KONGOLO
Objet : Transmission décision
N°5072/10/86du
Aux citoyens
– Commandant Section de la Gendarmerie 14 juillet 1986 Nationale de et à KONGOLO
– Superviseur de zone de l’Environnement Conservation de la Nature et Tourisme à KONGOLO
Citoyen Commandant
Citoyen Superviseur
En exécution des instructions contenues dans le message n° 5072/406/SRT/86 du 13 juillet 1986, émanent du Président Sous-régional du MPR et Commissaire Sous Régional du Tanganika, j’ai l’honneur de vous transmettre pour exécution conforme et urgente ma décision n° 5072/10/86 du 14 juillet 1986, portant fermeture de l’hôtel Bouger et Faire Bouger situé sur l’avenue Victimes de la rébellion dans la zone de Kongolo.
L’urgence s’impose.
Pour le Président du Comité Populaire de Zone
et Commissaire de zone en mission
KUMWIMBA MALO
Commissaire de zone assistant de Kongolo
– La décision de fermeture
MOUVEMENT POPULAIRE DE LA REVOLUTION
République du Zaïre
Region du Shaba
S/région du Tanganika
Zone de Kongolo
Décision n° 5072/10/96 du 14 juillet 1986 portant Mesure de fermeture de l’hôtel Bouger et Faire Bouger Du citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
Le Président du Comité de zone et Commissaire de zone de Kongolo
Vu la Constitution de la République du Zaïre
Vu l’Ordonnance – loi n° 82-006 du 25 février 1985 portant Organisation Territoriale, Administrative et Politique de la République.
Vu l’Ordonnance – loi n° 231/79 du 16 octobre 1979, fixant les conditions des Etablissements hôteliers au Zaïre spécialement en ses articles 11, 12, 14 et 23.
Vu le message officiel n° 3072/4007SRT/86 du 13 juillet 1986 au citoyen Président Sous Régional du MPR et Commissaire Sous Régional du Tanganika.
Sur ordre formel et impératif des Instances supérieures
Décide
Art 1er : L’hôtel Bouger et faire Bouger du citoyen LUMBU MALOBA NDIBA, situé sur l’avenue Victimes de la rébellion en zone de Kongolo est fermé jusqu’à nouvel ordre et tous les locataires doivent déguerpir.
Art 2 : Par mesure de clémence un délai raisonnable de deux jours est accordé à la CADEZA pour s’installer ailleurs.
Art 3 : Le Commandant de la Gendarmerie Nationale et le Superviseur de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme, zone sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente décision qui sort ses effets à la date de sa signature.
Fait à Kongolo, le 14 juillet 1986
Le Président du comité populaire de zone
et Commissaire de zone en mission
KUMWIMBA MALO
Commissaire de zone assistant de Kongolo
– La note de Commissaire Sous Régional du 21 juillet 1986 ordonnant la fermeture
République du Zaïre Kalemie, le 21 juillet 1986
Région du Shaba
S/Région du Tanganika N° 3072/002/Rte/H. 37
Transmis copie pour information au
– Citoyen Président du Comité Populaire
de Zone et Commissaire de zone
à KONGOLO
Au Citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
à KONGOLO
Citoyen Lumbu,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que depuis l’ouverture de l’hôtel Bouger et Faire Bouger au mois de mars 1982 vous êtes resté redevable au Trésor Public d’une importante somme de 367.662,40 Z (zaïres trois cent soixante sept mille six cent soixante deux quarante makuta) due aux différentes taxes et redevances, conformément aux textes légaux que vous connaissez suffisamment.
Ne pouvant pas continuer à garder silence devant cette irrégularité, l’hôtel Bouger et Faire Bouger est fermé jusqu’à l’apurement total de ce montant.
Veuillez agréer, citoyen Lumbu, l’assurance de mes sentiments patriotiques et révolutionnaires.
Le Président Sous Régional du MPR
Et Commissaire S/Régional du Tanganika
BONDEMBE BOMA NDJOMBE
Pour rédiger sa note, le Commissaire Sous Régional ad intérim s’était référé aux rapports qu’il avait fait rédiger par des différents services sous régionaux. Ci-dessous la teneur du rapport du coordinateur Munga Masaka.
MOUVEMENT POPULAIRE DE LA REVOLUTION
REPUBLIQUE DU ZAIRE
REGION DU SHABA
S/REGION DU TANGANIKA
ZONE DE KONGOLO
SITUATION HOTEL BOUGER ET FAIRE BOUGER
DU CITOYEN LUMBU MALOBA NDIBA EN ZONE
KONGOLO
Date d’ouverture : mois de mars 1982
Au vu de l’Ordonnance-loi n° 78-15/75 du juillet 1978 portant Statut des Etablissements Hôteliers au Zaïre, conformément aux dispositions des articles 2 à 6 de l’Arrêté Départemental n° 11/GCE/DECNT/85 du 7 décembre 1985 portant modification de certains taux des taxes et redevances prévues par l’ordonnance-loi n° 79/244 du 16 octobre 1979 perçus sur l’initiative du Département de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme.
- Enquête de commado et incommado = néant soit z 500,00.00
- Certificat d’agrément technique sur ouverture de l’Etablissemnent = néant soit z 10.000,00.00 (art 30 du titre 5 de l’ord. Précitée)
- Taxe sur licence ou permis d’exploitation prévue par l’art 31 = néant soit 5.000,00.00 pour Hôtel de moins de 50 chambres,
- Taxes rémunératoires annuelles :
– année 1982 = z 500,00.00
– année 1983 = z 500,00.00
– année 1984 = z 1000,00.00–500,00.00 payé 500,00.00 reste à payer
– année 1985 = z 1.500,00.00-500,00.00 payé soit 1000,00.00 reste à payer
– année 1986 = z 1.500,00.00-500,00.00 payé soit 1000,00.00 reste à payer.
- Produits de transaction résultant des infractions sur la législation hôtelières suivant art. 37 de l’Ordonnace-loi n° 78-015 du juillet 1978 portant Statut des Etablissements Hôteliers au Zaïre soit amende de z. 200,00.00 par mois d’activité = z 200 x 49 mois = z 9.800,00.00
- Infractions sur la violation de l’Ordonnance n° 37/003/73 du 5 janvier 1973 modifiant et complétant Décret-loi du 21 avril 1937 sur la Pêche et Chasse conformément à l’art. 39 relative à la possession de trophés (deux peaux de léopards) sans certificat soit amende = quintuple de certificat de possession de trophé qui l’aurait payé z. 1.500,00.00 x 5 = z. 7.500,00.00 Total = z. 36.300,00.00
- Fonds de Promotion de Tourisme (Ordonnance-loi n° 83-038/83
Complétant Arrêté Départemental n° 003/CB/DECNT/83
– Fonds de Promotion de Tourisme année 1984 10 % = néant soit z.
– Fonds de Promotion de Tourisme année 1985 10 % = z. payé reste à payer Z 11.529,00.00.
– Fonds de Promotion de Tourisme année 1986 10 % = z payé reste à payer Z 9.140,00.00.
Total = Z 22.469,00.00
TOTAL GENERAL : A verser au trésor Public de l’Etat = Z 58.769,00.00
Fait à Kongolo, le 20 juillet 1986.
LE COORDINATEUR SOUS REGIONAL D EL’ENVIRONNEMENT CONSERVATION DE LA NATURE ET TOURISME
MUNGA MASAKA
– La lettre de réaction du Gérant de l’hôtel contre celle du Commissaire Sous Régional
Hôtel BOUGER ET FAIRE BOUGER Kongolo, le 18 août 1986.
B. P. 2 0 4
K O N G O L O
N/Réf/n° 013/86 Transmis copie pour information aux :
– Citoyen Coordinateur Régional à l’Environnement
Conservation de la Nature et Tourisme
à Lubumbashi
– Citoyen Coordinateur S/Régional à l’Environnement
Conservation de la Nature et Tourisme
à Kalemie
– Citoyen Président du Comité Populaire du MPR et Commissaire de zone de Kongolo de et à Kongolo
– Citoyenne Lumbu Sagali, Propriétaire responsable de l’Hôtel BFB de et à Lubumbashi
Citoyen Président et Commissaire Sous Régional
Nous avons l’honneur d’accuser réception de votre lettre n° 3072/002/Rte/H :37 du 21/7/86 relative à l’objet repris en marge.
En effet, vous dites dans votre lettre précitée que l’hôtel B FB est resté redevable au trésor Public d’un montant de Z 367.662,40 z somme due aux différentes taxes et redevances, contrairement aux textes légaux. ( selon vous)
Certes après l’analyse de cette phrase, nous sommes plongés dans un dilemme. Car nous ne parvenons jamais à comprendre de quels textes légaux auxquels notre hôtel ne s’est-il pas conformé. En outre, quels sont les éléments de base comprenant ces différentes taxes et redevances dont le montant total s’élève à une somme de Z 367.667,40 Z.
Quant à nous, nous sommes néanmoins convaincus que l’hôtel Bouger et Faire Bouger s’est acquitté, depuis son ouverture en 1982, de toutes les taxes réglementaires exigibles au Profit du trésor Public à savoir – patente (jusqu’en 1985 et registre du commerce n° 2285 (délivré le 13/3/86), pour les affaires économiques. Taxes pour licence d’exploitation, rémunération annuelle et Fonds de Promotion Touristique pour le service de l’Environnement.
Par ailleurs, lorsque cet hôtel a été fermé en septembre 1985 sur proposition du Coordinateur S/régional à l’Environnement (suivant la décision n° 5072/10/85 de Commissaire de zone), nous avions payé toutes les taxes qui étaient l’une des causes de la fermeture et nous étions encore autorisés d’ouvrir les portes.
Depuis lors jusqu’à sa fermeture brutale le 14 juillet 1986, l’hôtel Bouger et Faire Bouger n’a jamais été l’objet d’aucune lettre de mise en garde concernant le paiement d’un litige quelconque de l’administration publique.
Enfin, compte tenu des explications fournies ci-haut, nous espérons que vous reviendrez sur votre décision en vue de lever les mesures prises contre l’hôtel Bouger et Faire Bouger. Car, sa fermeture sans motif apparent handicape bien sûr la promotion touristique de notre zone, surtout en cette période de la campagne agricole.
Dans l’attente d’une suite favorable, nous vous remercions d’avance de tout ce que vous pourrez et voudrez bien faire pour nous et vous prions d’agréer, citoyen Président s/régional et Commissaire S/régional l’expression de nos sentiments patriotiques et révolutionnaires.
Pour l’hôtel Bouger et Faire Bouger
ILUNGA MUKUBO LUBAMBULA
Gérant
– Ma lettre du 13/10/1986 exigeant la remise de ma famille dans ses droits
LUMBU MALOBA NDIBA Kalemie, le 13 octobre 1986.
Détenu politique à l’AND/Kalemie
République du Zaïre/Shaba
Transmis copie
Aux Maîtres Robert Charles GOFFIN
Objet : Remettre ma famille Et Eric VERGAUWEN
dans ses droits. Drève des Renards 6 Bte 11
B 1180 BRUXELLES
Au citoyen Commissaire Sous Régional
du Tanganika de et à Kalemie
Citoyen Commissaire Sous Régional,
Alors que le texte des constatations adoptées par le comité des droits de l’homme des Nations Unies, le 26/3/86, au titre de paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques concernant la communication n° 138/1983, présenté par NGALULA MPANDAJILA et consort dont moi-même, représentés par Maître Eric Vergauwen et Robert Charles Goffin a proclamé la violation du Pacte par le ZAIRE et l’a invité conformément aux dispositions de l’article 2 du Pacte de prendre des mesures efficaces pour remédier aux violations dont nous sommes victimes, de nous accorder réparation, de mener une enquête sur les circonstances dans lesquelles nous avons subi des mauvais traitements, de prendre à cet égard les mesures qui s’imposent et de prendre les dispositions pour garantir que de telles violations ne se reproduiront plus, il est triste de constater que je continue à être victime.
La mesure de levée de bannissement prise le 21/6/85 et mon acheminement à Kinshasa sans ma famille le 27 et 28 juin 85 a été contrée par mon enlèvement le 14/11/85, aussitôt que j’étais rentré à Kayanza et mon internement à l’AND/Lubumbashi laissant en deuil toute ma famille, dont le décès de mon père par hypertension, a été la conséquence directe du déploiement de l’armée et du langage excessif, usité par l’autorité lors de mon arrestation.
Ayant recouvert la liberté le 31/3/86, je retournai à Kayanza où diverses formalités du deuil m’attendaient.
Le 14/7/86, j’appris que mon immeuble de Kongolo dont une partie était transformée en petit hôtel par mon épouse, était investi par les militaires et lis la décision n° 5072/10/86 du Commissaire de zone, soulignant que l’ordre formel et impératif de la fermeture de l’hôtel, émanait des instances supérieures par le message officiel n° 3072/400/SRT/86 du 13 juillet
Comme cette mesure est politique, les dépôts et la partie familiale de l’immeuble furent aussi fermés et il a fallu beaucoup de démarches par la CADEZA, pour garder ses bureaux avec l’ordre de ne pas payer les loyers.
Le 17/7/86, j’adressai une note de protestation au Commissaire de zone pour lui dire que l’occupation de mon immeuble, était une violation de mon droit de propriété, étant donné que l’immeuble PC 49 est enregistré à mon nom aux Titres Immobiliers de Lubumbashi/voir certificat d’enregistrement vol. 215, folio 45, Registre journal n° d’ordre général 28111 et n° d’ordre spécial D°/CP 116/. Aussi, l’hôtel appartient à mon épouse, complètement en règle, vis à vis de l’administration et je citai son immatriculation au Registre du commerce et notre Régime matrimonial qui est celui de Séparation des biens.
Le Commissaire Sous Régional ad. Intérim, le citoyen BONDEMBA BOMA NDJOMBE dépêché par le Gouverneur pour m’arrêter, voulant d’une manière erronée, justifier la décision de fermeture de l’hôtel, sans examen minutieux du dossier, prétendit dans sa lettre n° 3072/0002/Rtc/H 37 du 21 juillet 1986 que l’hôtel devait au Trésor Public,depuis son ouverture en 1982 à titre des taxes et redevances.
Le Commissaire Sous Régional avait ignoré que mon épouse LUMBU SAGALI dépendait du centre de Négoce de Kongolo, jusqu’à la date de son immatriculation au Registre du commerce, greffe du tribunal de Grande Instance de Lubumbashi au n° d’ordre 2253, le 11 mars 1986. Sa dernière patente, celle de 1985 porte le n° 6/073/KGLO/ENI/85 et le payement de la taxe annuelle, celle du chiffre d’affaires et à l’OPEZ se prouve par la quittance n° 929385 lui délivré : Il en est de même de la taxe rémunératoire et au fond de promotion hôtelier dont le payement de la tranche du 3e trimestre 1985 est constaté par la quittance n° 931338.
A ses obligations régulières, s’ajoutent les cotisations et l’offre des loyers gratuits aux personnes recommandées par la police politique ou le Commissaire de zone et à titre exemplatif, je ne citerai ici que les cas de DJUMA SELEMANI et sa famille ou des citoyens MUTONKOLE et MUTAND YAV de l’OEZA/JMPR/Shaba, dont les factures établies pour un séjour d’un mois n’ont jamais été honorées.
Je me trouve depuis près de trois mois en détention sans jugement ni condamnation et le pouvoir ne veille ni à mon alimentation, ni à mes soins hospitaliers. Les intimidations à l’endroit de mes visiteurs ont écarté de moi, les bienfaiteurs éventuels. Ayant été torturé à Lubumbashi le 9/03/82 au cochet de T 2, je garde les séquelles au niveau des oreilles, du pied gauche et surtout de mon œil gauche souffrant gravement actuellement.
Un examen adéquat auprès d’un ophtalmologue s’avère indispensable mais toutes les demandes introduites pour un transfert à un centre, où il y a un spécialiste et le support par l’Etat des frais hospitaliers et pharmaceutique restent sans suite.
Il se pourrait que je devienne bientôt borgne mais aussi que je décède suite à la sous alimentation, de mauvaises conditions de détention ou d’une épidémie quelconque qui guette tant tous les nécessiteux.
Mon épouse et mes enfants continuent à rester à Lubumbashi où, ils m’avaient suivi lors de ma détention de novembre 85 à mars 86, pendant que ma veuve mère et mes jeunes frères désormais sous ma responsabilité directe sont à Mbulula.
Les uns et les autres n’osent me rejoindre parce qu’ils savent que le changement régulier des lieux de ma détention a pour but de déstabiliser mon foyer et faire manquer une sérieuse formation scolaire à mes enfants et frères pour l’unique raison de l’intolérance politique.
Si la justice actuelle ne remet pas ma famille dans ses droits, je suis sûr et certain cependant que l’histoire ne gardera pas quant à elle, le silence.
Signé LUMBU MALOBA NDIBA
-La note de mon épouse du 16 février 1987
Exp LUMBU SAGALI Kongolo, le 16 février 1987.
Hôtel Bouger et Faire Bouger
B.P. 34
Kongolo-Shaba
Transmis copie pour information aux
– Citoyen Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire de et à Kinshasa-Gombe.
– Citoyen Commissaire d’Etat aux Droits et Libertés de Citoyen de et à Kinshasa-Gombe
– Citoyen Gouverneur de la Région du Shaba de et à Lubumbashi
– Citoyen Commissaire de zone de Kongolo de et à Kongolo.
Objet : Hôtel Bouger et Faire Bouger
Au citoyen Commissaire Sous Régional de Tanganika à Kalemie.
Citoyen Commissaire Sous Régional,
Sept mois se sont écoulés depuis que votre prédécesseur avait pris les mesures de la fermeture de mon hôtel dans l’immeuble de mon mari LUMBU MALOBA NDIBA et faire déguerpir de l’immeuble les locataires d’autres locaux qui avaient signé des contrats de bail avec lui.
Le motif de toutes ces mesures qui restent en vigueur jusque maintenant fut le non paiement des taxes et redevances au Trésor Public sans que l’occasion me fusse donnée pour la justification.
Sans qu’il y ait une action judiciaire, notre maison nous est interdite d’accès pourtant d’après le motif avancé, toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été également établie par un jugement définitif (article 16 de la Constitution du Zaïre ou 11 de la charte de droits de l’homme.)
Donc, la procedure utilisée pour la fermeture de mon hôtel, comme l’affirme mon gérant dans sa lettre du 18/09/1986 vous adressée, que l’hôtel Bouger et Faire Bouger s’est acquitté depuis son ouverture de toutes les taxes au profit du Trésor Public et qu’il n’a jamais été l’objet d’aucune lettre de mise en garde concernant le paiement d’un litige quelconque de l’administration publique, donc la fermeture de mon hôtel est une violation flagrante de la Constitution de notre pays par l’autorité publique.
J’ai conclu en définitive que cette action punitive se base sur l’arbitraire et la passion plutôt que sur des règles juridiques claires et fermes.
La chose qui me bouleverse encore est l’interdiction d’accès à la maison aux membres de ma famille ou de mon personnel depuis le jour de la fermeture très brutale puisque le gérant était même jeté en prison.
A mon arrivée à Kongolo, le Commissaire de zone qui garde toutes les clés de l’immeuble refusa de me les remettre puisque vous ne lui avez pas encore permis de le faire.
Je suis privé arbitrairement de mon droit de propriété garanti par l’article 22 de la Constitution du Zaïre ou l’article 17 de la charte des droits de l’homme : “ Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ”.
Je vous demande vu tout ce qui précède, de me réhabiliter dans mes droits reconnus et garantis par la Constitution de notre pays. Je suis présumée innoncente dans tout ce que vous m’accusez.
En outre, je vous préviens que l’hôtel Bouger et Faire Bouger est situé en plein centre de la ville de Kongolo. Plusieurs de nos effets y sont enfermés. Abandonné comme il est, sans surveillance jour et nuit la maison sera certainement un lieu que des voleurs ne manqueront pas de s’aventurer.
Déjà en septembre 1986 lorsque mon beau-frère et mon gérant accompagnés du Commissaire de zone Assistant étaient allés retirer certains effets dans la maison suivant votre lettre n° 3072/647/1219 du 30/08/1986, il a été constaté que la porte de la chambre n° 10 était forcée et que le matelas, le lit etc. n’y étaient plus.
Aussi au mois de décembre 1986, les autorités de la zone avaient utilisé un camion de l’Estagrico pour le déplacement des lits, matelas, tables, chaises, lampes, draps de lits etc. vers un lieu inconnu.
Je vous demande de donner l’ordre au responsable de la zone de prendre les mesures qui s’imposent pour que la maison et tous mes biens soient bien gardés.
Avec insistance, je vous demande de lever les mesures prises illégalement contre mon hôtel. J’ai patienté sept mois durant et démontré chez vous et même au Gouverneur les copies de quittances à l’appui que l’hôtel a toujours payé les taxes.
A Kongolo, le Commissaire de zone étant nouveau il ignore, le fond de ce problème et les techniciens de services de l’économie et de l’environnement m’affirment qu’ils étaient surpris de ce que le Commissaire Sous Régional d’alors avait arrêté comme mesures et montant à payer.
Je vous rappelle ce principe : “ la présence de l’Etat n’a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de liberté de l’initiative personnelle des particuliers, tout au contraire elle a pour objet d’assurer à ce champ d’action la plus vaste ampleur possible, grâce à la protection effective pour tous et pour chacun, des droits essentiels de la personne humaine ”.
Il faut retenir parmi ceux-ci le droit qui appartient à chaque personne humaine d’être et demeurer normalement première responsable de son entretien et de celui de sa famille.
Veuillez agréer, citoyen Commissaire Sous Régional, mes sentiments très patriotiques.
Signée LUMBU SAGALI
Propriétaire de l’Hôtel
A cette lettre du 16 février 1987, le Commissaire Sous Régional Moupondo, associa ma lettre du 13/10/86 pour y donner une même réponse le 28 février 1987 dont le contenu ci-dessous :
REPUBLIQUE DU ZAIRE Kalemie, le 28 février 1987.
REGION DU SHABA
SOUS REGION DU TANGANIKA N° 3072/075/M. 54
Transmis copie pour information aux :
– Citoyen Président Régional du MPR
et Gouverneur de Région du Shaba
à Lubumbashi
– Citoyen Président du Comité Populaire
de zone et Commissaire de zone
à Kongolo
Objet : Hôtel Bouger et Faire Bouger A la Citoyenne LUMBU SAGALI
B.P. 34 Kongolo
Citoyenne,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 16/02/1987 se rapportant au sujet en marge.
Vous demandez avec insistance la réouverture de cet hôtel en signalant que vous seriez en règle en matière d’impôt et taxes.
Votre mari m’avait déjà écrit au même sujet le 13/10/86 et à vous deux je dois apporter les précisions suivantes.
– Le fait de détenir une patente et de dépendre d’un centre de Négoce ne dispense pas de payer toutes les taxes, impôts et contributions dus à l’Etat et perçus sur l’initiative de différents services. S’il est établi que vous vous êtes acquitté du paiement de certaines obligations notamment la patente 1985 et la taxe annuelle y relative, la cotisation à l’OPEZ, la taxe rémunératoire et la taxe sur fonds de Tourisme, il y a d’autres taxes, impôts et contributions dont vous ne vous êtes pas encore acquitté et qui reviennent donc, soit à la zone de Kongolo en tant qu’entité décentralisée, soit au trésor public. Un aperçu sommaire donne la situation suivante :
1° ZONE DE KONGOLO
Taxe de 10 % sur les recettes mensuelle : 1985 = Z 15.029,00
1986 = Z 10.290,00
Z 25.319,00
2° ENVIRONNEMENT CONSERVATION DE LA NATURE ET TOURISME
Diverses taxes, Fonds de Promotion du Tourisme, documents divers et amendes. Total Z = 58.769,00.
3° SERVICE DE CONTRIBUTION
– contribution cédulaire sur les revenus. Z. 95.044,80
– cvontribution sur les revenus locatifs Z. 26.725,20
– contribution foncière Z. 678,40
– contribution sur les chiffres d’affaires Z. 146.126,00
Z. 268.574,00
Je vous invite donc à contacter tous ces services pour voir les détails et procéder au paiement de manière à me permettre d’examiner la possibilité éventuelle de procéder à la réouverture de votre hôtel qui, ne l’oubliez pas, est un bien zaïrianisé acquis grâce au MPR.
Veuillez agréer, citoyenne, l’expression de mes sentiments politiques et révolutionnaires.
LE PRESIDENT SOUS REGIONAL DU MPR ET COMMISSAIRE S/REGIONAL DU TANGANIKA
Signé Me MOUPONDO MAFUNDJI
En ce qui concerne la levée de mesure de fermeture de mon immeuble de Kongolo, quelques visites auprès des autorités sous régionales ont suffi pour que la mesure soit levée. Le Commissaire Sous Régional ne nous avait plus demandé d’apurer une dette quelconque envers le trésor public mais au contraire, comme pour la fermeture un message ordonnant la réouverture fut expédié. Suite à ce message, le Commissaire de zone de Kongolo prit la mesure d’exécution dont la teneur suit :
KIRA Kongolo, le 29 mai 1987.
REPUBLIQUE DU ZAIRE
REGION DU SHABA
S/REGION DU TANGANIKA N° 5072/0554/87
ZONE DE KONGOLO
Transmis copies pour information aux :
– Citoyen Président Régional du MPR
et Gouverneur de Région du Shaba
à Lubumbashi
– Citoyen Président S/Régional du MPR
et Commissaire S/Régional du Tanganika
à Kalemie
– Citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
C/O Hôtel Bouger et Faire Bouger
à Kongolo
Aux citoyens ;
– Commandant Section de la Gendarmerie
Nationale de et Kongolo
– Chef de Service de Culture
Objet : Transmission décision Tourisme de et à Kongolo
N° 5072/14/87 du29 mai 1987
CL : T. 219
Citoyen Commandant,
Citoyen chef de Service,
En exécution des instructions contenues dans le message n° 3072/0337/OKP/SORT/87 du 27 mai 1987 émanant du Président Sous Régional du MPR et Commissaire Sous Régional du Tanganika, j’ai l’honneur de vous transmettre pour exécution conforme et urgente ma décision n° 5072/14/87 du 29 mai 1987 portant ouverture de l’Hôtel Bouger et faire Bouger situé sur l’avenue Victimes de la Rébellion dans la zone de Kongolo.
Il y a urgence,
POUR LE PRESIDENT DU COMITE POPULAIRE DE ZONE
ET COMMISSAIRE DE ZONE DE KONGOLO (en mission)
KUMWIMBA MALO
Commissaire de zone assistant.
Signé
DECISION N° 5072/014/87 du 29 mai 1987 portant ouverture de
L’hôtel Bouger et faire bouger du citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
Le Président du Comité Populaire et Commissaire de zone
Vu la Constitution de la République du Zaïre
Vu l’Ordonnance-loi n° 82-006 du 25 février 1982 portant Organisation Territoriale, Administrative et Politique de la République
Vu l’Ordonnance-loi n° 78-15 du 11 juillet 1978 portant Statut des établissements Hôteliers du Zaïre.
Vu l’Ordonnance-loi n° 231-79 du 16 octobre 1979 fixant les conditions des établissements Hôteliers au Zaïre spécialement en ses articles 11, 12, 14 et 23
Vu le message officiel n° 3072/0357/OKP/SRT/87 du 27 mai 1987 du citoyen Président Sous Régional du MPR et Commissaire Sous Régional du Tanganika.
Sur ordre formel et impératif du Président du MPR et Gouverneur de Région du Shaba.
DECIDE
Article 1er : L’hôtel Bouger et Faire Bouger du citoyen LUMBU MALOBA NDIBA situé sur l’avenue
Victimes de la Rébellion en zone de Kongolo est ouvert en date du 27 mai 1987
Article 2è : La Présente décision abroge toutes les dispositions antérieures
Article 3è : Le Commandant Section de la Gendarmerie Nationale et le chef de Service de Culture, Arts et Tourisme sont chargés en ce qui le concerne de l’exécution de cette présente décision qui sort ses effets à la date de sa signature.
Fait à Kongolo, le 29 mai 1987.
POUR LE PRESIDENT DU COMITE POPULAIRE DE ZONE ET COMMISSAIRE DE ZONE DE KONGOLO
(EN MISSION)
Signé KUMWIMBA MALO
Commissaire de zone Assistant.
Après s’être assuré de la levée de la mesure de fermeture de notre immeuble de Kongolo et de l’ordre de mon déplacement pour Lubumbashi, mon épouse se décida à regagner Lubumbashi par le train qui était déjà en gare. J’acceptais qu’elle le fasse sans m’attendre étant donné qu’aucune date n’était encore fixée pour mon évacuation de Kalemie.
La sous région vint dès le départ de mon épouse me chercher à Kamukolobondo pour me loger à l’hôtel du lac. L’ordre venait toujours de Lubumbashi et cette fois-ci la précision selon laquelle je prendrai place abord du prochain avion pour Lubumbashi me fut donnée. Je regrettais de connaître un tel traitement après le départ du train qui avait amené mon épouse dans les conditions difficiles et dont la durée du voyage prendra certainement des jours au-delà de mon arrivée à Lubumbashi.
Chapitre 27. de mon évacuation de Kalemie pour Kinshasa via Lubumbashi,
Dès l’annonce de la programmation du vol, la sous région se préoccupa de la réservation de ma place. Le jour du voyage, le Commissaire de Sous Région Assistant qui faisait l’intérim m’accompagna jusqu’abord de l’appareil.
A Lubumbashi je fus reçu par le protocole de la région qui m’installa dans une villa de la Gécamine sur l’avenue Kamanyola ; la même villa dans laquelle était logé le fondateur Joseph Ngalula lors de notre passage à Gbadolite en mars 1987.
Je reçus pour mon transport une voiture de la brasserie Simba qui me facilitait de me rendre auprès de mes enfants au Bel air. Leur mère était encore abord du train, Papa Symphorien séjournait cette fois-ci à Lubumbashi.
Mon séjour était complètement à la charge du gouvernorat et il m’avait été demandé de rencontrer le Gouverneur le lendemain.
A l’audience qu’il m’avait accordé, le citoyen Koyagialo, Gouverneur de la région du Shaba après m’avoir souhaité un bon séjour à Lubumbashi me dit de n’être pas rancunier au sujet de tout ce qui nous avait opposés au nom de l’Etat et me pria de ne pas non plus l’être.
Il m’informa que je devais attendre à Lubumbashi jusqu’au moment où il lui sera fait part de me rendre à Kinshasa pour rencontrer le Président Fondateur.
S’informant sur ma santé, je lui appris les mauvaises conditions dans lesquelles étaient mes yeux et immédiatement il donna l’ordre que je sois mis en contact avec le cabinet de l’ophtalmologue.
L’ophtalmologue Iye après m’avoir examiné me prescrit le port de lunettes.
Le service du Gouverneur m’accompagna dans les maisons appropriées ou je fis le choix de la monture. La déficience de ma vue était avancée. Je portai les lunettes aussitôt qu’elles avaient été prêtes. L’apprentissage avait été suffisamment difficile étant donné que j’avais régulièrement impression que j’allais placer mon pied à un endroit incliné et craignais de tomber.
Mon épouse revenue à Lubumbashi, mes enfants et certains membres de la famille venaient me rendre visite à cette maison de passage. Le service du protocole se mettait à leur disposition. Il leur servait de la boisson à leur grande satisfaction.
Les rumeurs sur ma présence à Lubumbashi commencèrent à courir et certains curieux se mirent à s’intéresser de mon nouveau statut. Annie, la sœur du fondateur Kibassa me visita aussi et me donna les informations du Président Kibassa qui était encore en détention au T 2.
A Annie, tout comme à Déo Lugoma, je leur racontai, l’anecdote de la lettre et de l’enveloppe. Je considérais en effet la lutte pour la démocratie comme un message à faire parvenir au peuple et le parti politique comme une enveloppe. Alors que mon souhait était de glisser mon message dans une enveloppe par avion, voilà que ne sachant pas m’en procurer à cause du coût élevé je me trouve obligé de l’envoyer mon dans une enveloppe kaki.
Je ne me retrancherai pas derrière le manque d’enveloppe par avion mais plutôt, j’utiliserais l’enveloppe kaki à ma disposition.
Par cette anecdote, je voulais rassurer ceux qui pensaient que j’avais cessé le combat pour la démocratisation de notre pays. En effet, j’avais recouvert ma liberté en écrivant au Président Mobutu une note par laquelle je me ralliais à sa proposition du 21 mars 1987 à Gbadolite afin tout simplement de concilier mes obligations familiales à celles de l’Etat.
Le Protocole de Région vint me chercher pour m’amener auprès du Gouverneur qui me fit savoir que j’étais invité à Kinshasa.
La veille de ce jour, mon épouse était admise à l’hôpital du personnel Gécamines avec notre enfant UDPS. L’état de santé de l’enfant me fit dire au Gouverneur que je n’étais pas prêt pour voyager.
Le citoyen Koyagialo ne voulait pas entendre cela. Il me dit qu’il allait personnellement s’occuper à suivre la situation de mon enfant. Je me rappelais que je n’avais pas encore recouvré ma liberté et que par conséquent toute résistance était vaine.
Embarqué le lendemain matin dans un gros porteur, je fus accueilli à Kinshasa dès ma descente d’avion par l’Assistant du Conseiller Spécial, le citoyen Banyaku. De l’aéroport, je fus amené directement aux bureaux du Conseil National de Sécurité(CNS) près du palais de Marbres.
Reçu par le citoyen Nkema, le Conseiller Spécial du chef de l’Etat, je fus informé que j’allais être reçu par le chef de l’Etat et que ses services allaient me loger en attendant son appel. Je lui expliquai la situation dans laquelle j’avais laissé mon épouse et l’enfant à l’hôpital de GCM à Lubumbashi et lui demandai s’il ne pouvait pas me permettre d’attendre cet appel à Lubumbashi.
Autorisé de rentrer le lendemain à Lubumbashi, je fus quelques emplettes aux magasins Sedec grâce à une enveloppe qui m’avait été remise puis visitai à Ngiringiri la famille de mon oncle paternel Ilonda ya Mbundu (Iyams) avant d’occuper une chambre à l’hôtel Diplomate.
Rentré à Lubumbashi, je rejoignis ma famille au Bel air au lieu de réoccuper le guest house Gécamines. L’hospitalisation de l’enfant se poursuivait et régulièrement je le visitai. Papa Symphorien qui avait pris l’initiative d’amener l’enfant à l’hôpital avait déjà pris en charge les frais de transfusion. Je complétai quant à moi les frais d’hospitalisation.
Il ne se passa pas beaucoup de jours que le Conseiller Spécial à Lubumbashi accompagné de son assistant Banyaku Epotu. Le Citoyen de Bongo m’amena Banyaku qui avait un message à me donner de la part du Conseiller Spécial.
Je rejoignis la résidence GCM de Shangelele où était logé le Conseiller Spécial et rencontrai les fondateurs Kibassa, Ngalula, Tshisekedi et Mpindu Bwabwa qui s’y réunissaient. Le citoyen Nkema me rappela l’audience qu’allait m’accorder le chef de l’Etat.
Les fondateurs Tshisekedi, Mpindu, Ngalula et Kibassa rendirent visite à ma famille sur l’avenue des Eucalyptus au Bel air. Papa Symphorien les accueillit avec beaucoup de joie. Bibi s’était quant à elle bien préparée pour la circonstance.
A cette occasion, ils m’informèrent du résultat de la réunion qu’ils venaient de tenir qui était sanctionnée par la signature d’un document. Les thèmes avaient été ; le respect dû au Chef de l’Etat, le droit à l’exercice d’une tendance au sein du MPR et l’unité de commandement. Le contenu du texte qui avait été signé avait été par après publié par beaucoup de journaux dont le mensuel « LA VERITE » dans son édition du 8 janvier 1991 qui est le suivant :
Mbujimay, le 17 Juin 1987
Objet : Réintégration au MPR
Au Citoyen Président-Fondateur du MPR, Président de la République
A KINSHASA/NGALIEMA
Citoyen Président- Fondateur
Nous sousigné KIBASSA MALIBA, NGALULA MPANDANJILA, TSHISEKEDI wa MULUMBA et MPINDU MBWABWA, avons examiné librement et consciencieusement l’ensemble des problèmes qui se posent à notre goupe.
De nos débats, il s’en suit que le groupe a adhéré aux principes suivants :
- L’oubli du passé ;
- L’affirmation et le respect de la diversité d’opinions de même que la nécessité de la mise en œuvre de l’exercice de cette liberté et de sa libre expression, mais au sein du Mouvement Populaire de la Révolution ;
- Le respect du chef et de l’Unité nationale.
Ainsi donc, le groupe accepte de se mettre sous l’empire de l’article 33 de la Constitution pour œuvrer dignement et librement dans le sens du renforcement de la pratique démocratique et de l’Unité nationale.
Veuillez agréer, Citoyen Président-Fondateur du MPR, l’expression de nos sentiments patriotiques.
Les Signataires :
Signé NGALULA MPANDANJILA Signé KIBASSA MALIBA
Signé MPINDU MBWABWA Signé TSHISEKEDI wa MULUMBA
Le vin, les bières et le whisky coulèrent à flot pour ces retrouvailles.
Après la signature du document adressé au chef de l’Etat, le fondateur Kibassa fut logé au guest house “S.N.EL ” pendant que les autres fondateurs rentrèrent à Mbuji Mayi. Je tins compagnie au Président Kibassa lors de sa visite auprès de sa maman qui habitait dans sa ferme située près de la zone Ruashi.
Alors qu’il m’avait été demandé d’attendre l’appel du chef de l’Etat pour le rencontrer, je me décidai à rentrer dans mon village de Kayanza. Convaincu que si le chef de l’Etat voulait me recevoir, il pouvait m’atteindre à n’importe quel coin de la République.
Je pris un vol Fokker pour Kongolo et étonnai le public à mon arrivée. Invité à la fouille à l’aéroport, je refusai de me soumettre à un ordre illégal et provocateur que le service de l’AND avait expressément donné à mon encontre. Il avait fallu l’intervention du Commissaire de zone pour calmer l’incident.
Vers la fin de l’après midi, le Commissaire de zone me retrouva à mon immeuble déjà remis à mon gérant Ilunga Mukuba. Il me dit qu’un message en provenance du Gouverneur annonçait l’arrivée d’un avion qui me prendrait pour Gbadolite.
En effet, dès après mon départ de Lubumbashi, j’y avais été cherché pour être signifié de ce voyage. Le service de sécurité s’était même énervé du fait que j’étais parti de Lubumbashi sans avoir avisé. Il fut décidé que l’avion me prendrait à Kongolo pour répondre à l’appel du Chef de l’Etat à Gbadolite.
Je manifestais mon mécontement auprès du Commissaire de zone sur le fait que je n’étais pas encore arrivé à Kayanza rencontrer ma famille et que si j’étais repris le lendemain pour Gbadolite l’impression auprès de la population serait que j’étais toujours prisonnier.
Le Commissaire de zone Mashako requisitiona un véhicule pour me permettre de me rendre à Kayanza pendant quelques heures.
La population de Kayanza se ressembla en un rien de temps à ma résidence. Je lui informai de ma vie en prison et des souffrances rencontrées. Parti sans lunettes, je me trouvai obligé maintenant de porter les lunettes.
Au sujet de la lutte politique, je lui appris de toutes les péripéties de la rencontre de Gbadolite en mars 1987, de mon voyage à Kinshasa en juin et des réunions tenues à Lubumbashi. Enfin je parlai du voyage pour Gbadolite que je devais effectuer le lendemain dans la matinée et promettai d’apporter toute l’information sur ce que le Président Mobutu allait nous dire. Après cette adresse je repris le chemin de retour toujours en passant par Mbulula où je rencontrai ma mère et mon oncle paternel Sixte.
Chapitre 28. De ma poursuite à Kongolo par mes collègues Fondateurs en partance pour Gbadolite,
De ma résidence de Kongolo, je fus informé de l’arrivée du Fokker Scibe à Kongolo et me rendis à l’aéroport.
A l’arrivée de l’avion, je vis y sortir les Gouverneurs Koyagialo du Shaba et Mpambia du Kasaï oriental mais aussi les collègues fondateurs Ngalula, Tshisekedi, Lusanga, Kibassa, Mpindu et Kanana.
Avant d’entrer dans l’avion, le fondateur Tshisekedi me dit “ Nous avons exigé que nous venions vous prendre ici chez vous à Kongolo avant de nous rendre à Gbadolite. Ne vous ayant pas rencontré à Lubumbashi ces gens voulaient que nous vous laissions. ”
Dans l’avion, le collègue Lusanga me repeta ce que Tshisekedi m’avait dit. De Kongolo, le Fokker se posa à l’aéroport de Kavumu/Bukavu où nous prîmes le fondateur Birindwa avant de se poser sur Gbadolite.
Aussitôt que nous avions été logés au motel Nzekele, Bossassi nous rencontra pour nous faire-part du travail qui avait été préparé par lui et approuvé par le Conseiller Spécial Nkema.
Il s’agissait en effet d’un message de remerciement et de soumission qui devait être prononcé à la rencontre avec le Président Mobutu. Nous réfutâmes ce travail là que nous avions considéré comme n’engageant que Bossassi lui-même.
Plusieurs rencontres eurent lieu avec le chef de l’Etat à sa résidence. Le soir même de notre arrivée, il nous reçut pour nous souhaiter la bienvenue. Il s’attendait à ce que nous lisions le message que Bossassi avait préparé à l’avance avec Banyaku sous la houlette du Conseiller spécial Nkema.
L’ayant rejeté à quelques minutes de la rencontre, c’est de la pluie et du beau temps que nous avions parlé avant de faire le tour de ses jardins. Le soir, nous le rejoignîmes à Kawele où nous saluâmes son épouse mama Bobi Ladawa.
Le lendemain après avoir déjeuné à ses côtés, le Président de la République nous reçut individuellement. Si son Conseiller Spécial l’avait assisté à certaines audiences, je me rendis compte que cela ne fut pas le cas lorsqu’il reçut longuement le fondateur Kibassa ou le fondateur Tshisekedi.
Au cours de ces audiences, furent abordés des problèmes politiques tout comme des problèmes individuels.
Nous visitâmes avec lui ses vastes champs et pêchâmes dans les étangs avant de dîner dans une paillote. Nous nous rendîmes aussi au barrage de Mobay Mbongo. Au fur et à mesure que nous nous rencontrions, il se dégageait que tout était placé dans la logique de ce que nous avait dit le Président Mobutu le 21 mars 1987.
Ma lettre, celle de Birindwa, celle de Bossassi et enfin la lettre collective signée le 17 juin 1987 à Mbujimay par Kibassa, Ngalula, Tshisekedi et Mpindu Mbwabwa avaient rassuré le Président du MPR qui nous avait invité à Gbadolite pour fêter la réconciliation.
Le Président et son entourage se mirent alors à parler de nominations au Comité Central, au Conseil Exécutif et dans d’autres secteurs de l’Etat.
Je ne choisis pas expressément un poste mais je repoussai l’idée de m’occuper des affaires comme voulait me le laisser entendre le Président de la République en m’alignant sur la même liste que mes collègues Lusanga et Birindwa qui avaient des hôtels.
J’avais eu même à préciser que mon titre de Maître n’était pas en rapport avec mon hôtel de Kongolo bien connu pour avoir été fermé par le pouvoir pour m’asphyxier mais plutôt j’étais Avocat, inscrit au barreau de Kinshasa après mes études de Licence en droit.
A plusieurs reprises nous avions demandé au Chef de l’Etat de ne pas nous nommer avant que nous ayions l’occasion de rentrer dans nos milieux expliquer à nos sympathisants et militants l’évolution de la situation.
En aucun moment nous ne voulions que nous soyions pris pour des gens ayant cherché à se faire positionner.
Il se murmurait que les fondateurs Kibassa, Ngalula, Tshisekedi et peut être Kanana seraient nommés au Comité Central, pendant que Mpindu Mbwabwa regagnerait la Direction du Syndicat.
Le Président Mobutu m’avait dit au cours de mon entretien avec lui que j’étais au niveau de notre groupe le premier qui lui avait écrit et qu’il en tenait compte.
En effet, j’avais appris un peu après que ma lettre avait été montrée à mes collègues pour leur convaincre de faire autant à telle enseigne que Birindwa et Bossassi avaient aussitôt écrit.
En ce qui concerne le geste financier à notre égard, un montant d’un million de zaïres fut cité. Personnellement j’avais bénéficié de ce geste lorsque j’étais reçu par le Conseiller Spécial à Kinshasa.
Je décrivis à l’intention de mes collègues la manière dont j’avais utilisé ce montant aussitôt que je l’avais reçu. Je l’avais même épuisé avant de terminer mes besoins. A l’unanimité nous avions trouvé ce montant trop bas.
Le Président de la République nous dit “ qu’il était au courant que le million de Lumbu ne lui avait pas suffi, que ce montant n’était pas une rétribution mais tout simplement un geste présidentiel en faveur des personnes qui avaint été reçues par lui et qui devaient regagner leurs familles avec lesquelles elles étaient séparées. Il était nécessaire d’avoir quelque chose pour faire face à l’accueil de ceux qui allaient venir vous saluer. Il n’était donc pas question de satisfaire les différents besoins de fondateurs car cela allait être examiné à l’occasion de leur reclassement dans la société.”
Le Conseiller Spécial ne donna pas le même montant à chacun de nous. Certains avaient reçu beaucoup plus que d’autres. Tout avait été fait à la tête de client. Quelque chose m’avait aussi été accordée.
Le collègue Lusanga posa à notre groupe le problème de deux cent mille francs belges (200.000 FB) qui m’étaient décernés par les organismes internationaux et donnés à Kibassa pour me les envoyer qui ne m’étaient pas parvenus. Le Président Kibassa invita le doyen Ngalula de trouver avec lui, la solution à ce problème car il connaissait comment ce montant avait été utilisé en faveur d’autres combattants. J’intervins pour dire que ce montant ne m’était plus nécessaire et que j’allais me contenter de celui que je venais de recevoir à Gbadolite.
En ce qui concerne les fondateurs qui n’étaient pas reçus à Gbadolite, il nous avait été rassuré qu’un geste allait aussi être fait en leur faveur.
Le Conseiller Spécial avait été chargé de finaliser tous les problèmes de reclassement des combattants qui avaient perdu leur fonction à cause de leur appartenance à l’UDPS.
Il fut même envisagé qu’un avion allait être mis à notre disposition afin que nous puissions nous rendre à Mbuji Mayi nous incliner à la tombe du fondateur Makanda Anaclet.
A la veille de notre départ de Gbadolite, une soirée dansante fut organisée. Les cavalières surgirent de je ne sais où et étaient là pour nous encadrer. Après avoir pris un verre, je me décidais à me retirer et me retrouvai avec les fondateurs Tshisekedi et Lusanga qui s’étaient aussi retirés. Le fondateur Tshisekedi nous fit savoir que “ tout ce qui venait d’être dit n’était pas à prendre en considération. Aussitôt que nous quitterions ce lieu, nous nous occuperions de notre parti comme par le passé. Nous avions besoin de nous retrouver libres un point, un trait. Tout le reste n’avait été que baliverne.”
Le Président Mobutu partait ce 30 juin 1987 à Goma, d’où il allait rejoindre le Burundi où il avait été invité aux festivités de l’anniversaire de l’indépendance, le 1er juillet.
Le Gouverneur Koyagialo, les fondateurs Kibassa, Birindwa et moi-même avions été invités à prendre place abord de l’appareil présidentiel.
Nous voyageâmes ainsi dans la suite présidentielle jusqu’à Goma où nous avions été logés à l’hôtel de Masques. Le fondateur Birindwa partit pour Bukavu. Le Gouverneur Koyagialo fit appel au jet de la Gécamines pour venir nous chercher à Goma, entre-temps, nous passâmes la journée à la résidence du Commissaire Urbain de Goma, le citoyen Lufunisabo Bunduki.
Nous prîmes de Goma le jet de Gécamines et arrivâmes à Lubumbashi. Le Président Kibassa s’organisa pour rejoindre sa famille à Kinshasa pendant que personnellement malgré la présence de ma famille à Lubumbashi, je me résolus à rejoindre Kayanza pour rendre compte à mes électeurs des résultats de mon séjour à Gbadolite.
Chapitre 29. Du recouvrement total de ma liberté et de mon retour à Kayanza via Kongolo et Mbulula,
A Lubumbashi j’avais tenu à mettre mon épouse dans des bonnes conditions matérielles et financières. Vendeuse de la boisson, je décidai de lui acheter deux congélateurs, mais comme papa Symphorien avait besoin de liquidité pour désintéresser ses fournisseurs il avait pris ce montant promettant d’envoyer à mon épouse depuis Kinshasa les deux congélateurs, ce qui malheureusement ne fut pas fait.
Aussi en compensation aux souffrances d’hébergement connues pendant ma détention, je donnais un toit à mon épouse.
C’était mon cousin Etienne Nyembo Kitungwa agent aux titres fonciers qui avait trouvé une maison pour laquelle nous lui avions remis sans tarder le montant necessaire pour l’achat et la régularisation de toute situation auprès du Conservateur des Titres Immobiliers. Aussitôt fait, Etienne remis à mon épouse le titre de propriété dont le contenu ci-dessous.
REPUBLIQUE DU ZAIRE
a) CERTIFICAT D’ENREGISTREMENT D’UNE CONCESSION : -Ka. Ki. Ka
Perpétuelle
Ville de Lubumbashi
Zone de Kampemba
Livre d’enregistrement
Vol 223 Folio
La citoyenne LUMBU SAGALI, commerçante, de nationalité zaïroise, née à Kinshasa le cinq juin mil neuf cent cinquante-trois, carte d’identité n° GA. 273390 délivrée à Lubumbashi le quinze septembre mil neuf cent soixante-seize, mariée coutumièrement au citoyen LUMBU MALOBA NDIBA, résidant au n° 19 avenue Eucalyptus zone Kampemba à Lubumbashi.
Est enregistrée comme en vertu d’un acte de vente conclu avec le citoyen MUKENDI NTALAJA, passé par devant notaire de résidence à Lubumbashi en date du neuf juillet mil neuf cent quatre vingt sept, reçu le même jour en expédition certifiée conforme au registre journal sous les numéros d’ordre général 31.783 et spécial D1/V17.534
CONCESSIONNAIRE PERPETUELLE du fonds indiqué ci-après.
Une parcelle de terre, destinée à usage résidentiel, située à Lubumbashi, zone Kampemba, portant le numéro 4724 du plan cadastral, d’une superficie de vingt ares trente-cinq centiares vingt-quatre centièmes, d’après le procès verbal de mesurage et bornage numéro 4096 dressé le quinze décembre mil neuf cent quarante neuf.
Propriété de l’Etat
Sur cette parcelle sont édifiés les immeubles indiqués ci-après : une maison d’habitation avec sa dépendance, le tout construit en matériaux durables.
Les limites tenants et aboutissants de la parcelle susdite sont renseignés au croquis ci-dessous, fait à l’échelle de 1 à 1000.
Ancien certificat d’enregistrement volume D. 223 folio 51 annulé.
Les charges qui grèvent cette propriété sont indiquées d’autre part
Délivré à Lubumbashi ………le neuf juillet mil neuf cent quatre-vingt sept.
Le conservateur des Titres Immobiliers a.i.
PATAULE KANDOLO.
Signé
Il se posa quelques problèmes pour le déguerpissement du locataire car en effet, estimant que certains matériels lui appartenaient, il les enlèva et rendit la maison inhabitable.
Alors que mon épouse devait prendre possession de sa propriété dès son achat, elle fut soumise à attendre la réfection et le replacement de certains matériels.
Je me dépêchais quant à moi de rejoindre Kongolo après avoir déposé à la gare des articles achetés pour la réfection de la maison de Kongolo : vitres, triplex, couleurs et autres matériaux …
Avant le voyage, je réglai le problème de fiançailles de ma petite sœur Eudoxie car fiancée par un agent de la Gécamines Likasi originaire de Kabongo ma tante Béatrice auprès de laquelle Eudoxie s’était présentée ne voulait pas l’accepter à cause de sa tribu différente à la nôtre. Ainsi elle ne voulait pas le recevoir à la maison prétextant qu’elle n’avait pas d’argent pour organiser sa réception. Je donnai le nécessaire à ma tente et la convainquit d’accepter ce fiancé.
Quittant Lubumbashi, je rejoignis Kongolo où je m’occupai des travaux de réfection de l’hôtel Bouger et faire Bouger. Il fallait tout remettre en place : lits, portes, tables, serrures, lampes, rideaux, matelas ; tout avait été pillé.
Je fis remettre par le citoyen Basubi l’électricité dont les fils avaient été volés. Les triplex venus de Lubumbashi servirent à remettre en ordre le plafond. Des nouvelles vitres furent placées aux fenêtres pendant que les murs et les pavements reçurent une nouvelle couche de la peinture.
Jacques Pondamali remplaça Ilunga Mukubo Lubambula en qualité de gérant. Ce dernier s’illustra par une lettre qu’il m’écrivit pour me dire que je l’avais écarté de la gestion suite à l’influence de membres de ma famille et que cela présageait le comportement qu’allait devenir mien lorsque j’aurais à assumer les charges les plus importantes.
Ayant trouvé ma belle-mère malade, je lui remis l’argent afin qu’elle puisse rejoindre sa fille à Lubumbashi pour y recevoir les soins appropriés.
Retourné à Kayanza pour rendre compte de ce que je venais de vivre à Gbadolite, je prévins la population de la suite logique qui allait être ma nomination éventuelle.
“ N’est ce pas que depuis nos ancêtres la sagesse nous enseigne de changer des stratégies dans une lutte ! m’écriais-je. Nous nous étant battus à distance, à découvert avec les flèches, maintenant nous allions utiliser les boucliers et les lances pour le corps à corps.”
Ce jour là, “ les bambuli, les balubwilo, les batembo et Kaunda ” avaient tenu à marquer leur présence par des chansons et des danses.
Mon grand-père maternel Mukunkutu vint me dire au revoir et emporta en guise de souvenir une de mes statuettes appelées “ Kiuna,” pendant que son fils Adalbert Mukuwa le lui reprochait pour être déjà vieux et n’en avoir pas besoin.
Les candidats aux élections législatives Kisila, Mwana Mbaba et Kalume Mwana Kahambwe vinrent me demander chacun mon soutien ou alors de garder la neutralité alors que j’avais déjà recommandé à la population de voter pour Mwana Mbaba.
J’avais reproché à Kalume de m’avoir complètement abandonné pendant mes années difficiles et n’avoir rien fait pour la population de la rive autre que la sienne. Il me répondit que souvent il avait fait de geste en faveur de mon épouse en passant par Mali ya Butoto, ce que mon épouse n’avait pas reconnu. Pour ce qui est de la population de ma rive il dit être intervenu au profit r Joseph Kilanga et Odéric Nyembo pour les problèmes qu’ils avaient connus dans le cadre de leurs fonctions. C’est
Je fis l’inventaire de mes biens, pris les assiettes et casseroles afin de les amener à Kongolo et laissai les livres dans les malles. J’enfermais les tables, les lits et les chaises dans la maison et remis les clefs de ma maison à la famille Mbundu.
Je quittai Kayanza pour Mbulula juste le jour des élections législatives après avoir déposé mon bulletin dans l’urne abord du véhicule des propagandistes du Premier Vice-Président du Conseil Législatif, le citoyen Kalume.
A Mbulula ayant fait construire une maison avec toit en tôles pour ma mère et régler le problème de Martin, j’assistai au mariage de Faustin avant d’emporter ma mère et mes frères pour Kongolo d’abord, Lubumbashi ensuite et Kinshasa par après.
En effet, des briques avaient été fabriquées pendant que je me trouvais encore à Kayanza. J’avais désigné Fidèle, Kumbi et Philippe pour la maçonnerie. La charpente et la fixation des tôles furent faites par Philippe, Théophile et Kineme.
Le travail était effectué à un rythme accéléré. J’avais appris par après du curé Musuyu que certains chrétiens l’avaient trouvé pour lui demander de ne pas m’autoriser de construire en tôles sur cette parcelle de la mission qui avait été cédée à mon père lors de son différend avec le Chef de Collectivité Muloko et que la mission devrait récupérer. Le curé n’avait pas trouvé le bien fondé de cette démarche.
En ce qui concerne le reglèment des fiançailles de Martin, cette affaire consista à l’arrestation et détention de Martin à Kongolo pour avoir été accusé par l’agronome Milanda de Mbulula d’avoir engrossé sa fille. Professeur à l’institut Muungano de Mbulula, Martin avait dans la classe de 1 ère secondaire donné cours à cette fille.
Comme Martin ne reconnaissait pas être auteur de la grossesse, les parents de la fille le firent détenir à la prison de Kongolo. Ils s’apprêtaient à le déférer au tribunal de grande instance de Kalemie.
Me trouvant encore à Kalemie, j’avais écris à papa Lipu pour lui demander d’intervenir auprès de l’agronome. J’avais aussi recommandé au Commissaire de zone d’accepter que les familles règlent ce problème à l’amiable. Martin devait supporter les conséquences de ses actes. Par conséquent une dot avait été versée auprès des parents de la fille devenus des beaux-parents. La forte tension qu’il y avait s’apaisa. La jeune femme donna naissance une fille qui reçut le nom Lumbu de ma famille, le postnom Ndiba, le prénom Modestine de notre mère et le surnom de Christelle.
Faustin vint quand à lui en vacances pour se marier avec Zenobith, la fille que papa connaissait bien avant sa mort comme l’éventuelle fiancée. Après le versement de la dot, il fut décidé la célébration du mariage religieux catholique. Le mariage avait eu lieu quelques jours seulement après la naissance de la fille de Martin.
Pour la circonstance la famille s’était rassemblée à Mbulula. La petite sœur Marthe avait pris en charge beaucoup d’occupations pour la bonne réussite des festivités. Le grand-père Musongela et papa Marco étaient tous présents aux cotés de papa Sixte. Il y avait aussi toute la notabilité de la place.
Je m’étais emporté ce jour là contre les distributeurs des boissons qui prétendaient n’avoir pas encore été autorisés par papa Sixte à servir les gens. Je les accusai de faire cela expressément pour mécontenter les invités et les faire partir avec une mauvaise impression sur moi. Maman Valeriane, heureusement, se coupa en quatre pour convaincre papa Sixte à permettre la distribution des boissons selon mes souhaits.
Après quelques jours Faustin rentra à Lubumbashi avec son épouse pour aller continuer ses études. Ils avaient habité dans la maison nouvellement achetée par mon épouse.
Peu avant que nous quittions Mbulula surgit le problème Joseph qui consistait à une accusation faite à la collectivité par la belle sœur de ma petite sœur Marie contre Joseph. Ce dernier en complicité avec Prophile était accusé de viol. Papa Sixte calma en vain ce problème qui fut poursuivi à Kongolo.
Chapitre 30. De mon départ de Mbulula à Lubumbashi via Kongolo,
Avant que je ne quitte Mbulula avec ma mère et mes petits frères, Papa Sixte vint me rencontrer en compagnie de maman Valériane pour me mettre au courant de quelques problèmes de famille.
Nous parlâmes de la mort de papa et des biens qu’il avait laissés, de non-accord de papa Sixte du déplacement de ma mère et des études de mes petits frères.
Après un long échange de vues, nous nous dîmes au revoir. Tous les biens du feu papa et de ma mère lui furent confiés pour la garde. Un camion me prit le lendemain soir avec toute la famille pour Kongolo.
Pendant mon séjour à Kongolo, j’organisai le voyage à Lubumbashi de ma mère, de mes petits frères Joseph et Prophile et de ma belle sœur Sikuloya par le véhicule des Ets Mali ya Butoto, étant donné que le train se faisait trop attendre.
J’arrangeai quelques problèmes avant de quitter Kongolo. Il s’agit des cas Joseph, Elise, Prophile et la garde de ma maison.
Comme nous avions quitté Mbulula, la plaignante Bonve déposa une autre plainte à Kongolo toujours au sujet du viol de sa petite sœur Mbungu par Joseph. Tous les efforts fournis pour la calmer demeurèrent vains.
L’affaire ne fut classée que lorsque Joseph quitta aussi Kongolo pour Lubumbashi et ne fut arrangée que deux ans plus tard en famille.
Au sujet d’Elise Maua Sinyembo, il était reconnu que de ses liens avec Marie Mukonkole, mon oncle Cyprien Sinyembo avait eu deux filles ; Perpetue, décédée en bas âge et enterrée à Kalwamba en 1963 et Elisa.
L’éloignement de mon oncle de Kongolo vers Lubumbashi dès 1964 ne permit pas à Elisa de se familiariser avec la famille. Ceux des membres de la famille qui connaissaient Marie Mukonkole avaient continué à la visiter, c’était le cas de Kachoma et de Hukumu.
Après la mort de mon oncle en 1972 par accident de train à Nyunzu, Marie avait été désemparée. Elle ne connaissait plus à quel membre bien stable de la famille elle pouvait remettre l’enfant. Lors de mon séjour à Kongolo après ma libération de 1987 j’avais reçu la jeune fille Elise. Ayant déjà entendu parler d’elle, je visitai sa maman qui restait à la même maison que sa grand-mère à la Mission, au quartier Kandolo.
La maman de Marie Mukonkole que je rencontrai par après avec de la boisson conformément aux coutumes m’informa “qu’Elisa était née avec un cheveu blanc. Il était connu que c’était l’enfant de Cyprien mais elle ne voulait pas le lui remettre parce qu’il n’avait pas épousé sa fille. Comme le papa de Cyprien se plaignait, la fille était régulièrement malade et pour cela elles avaient décidé de remettre cette fille à un responsable de la famille qu’elles n’avaient trouvé qu’en ma personne.”
Il fallait donc leur donner une chèvre et une pièce avant de récupérer officiellement l’enfant, ce que je fis. Je pris les dispositions de dépêcher cette fille à Kalwamba auprès de mon grand-père. Me l’ayant confié, elle voyagea à mes côtés jusqu’à Lubumbashi, puis elle me rejoignit avec mon épouse et tous les autres enfants à Kinshasa dès novembre 1987.
En ce qui concerne Profil, il n’était pas prévu qu’il aille à Lubumbashi ensemble avec ma mère, mais plutôt qu’il devait continuer ses études à Kongolo. Le jour du départ de ma mère, Prophile décida de quitter Kongolo. Je m’étais rendu compte seulement après qu’il y avait un problème Prophile.
En effet, à notre départ de Mbulula pour Kongolo, d’autres personnes nous avaient accompagnés à l’embarquement. Je constatais que certaines avaient voyagés à nos frais dont une jeune fille qui étudiait à l’institut Mwamba.
Me trouvant encore à Kongolo, je reçus le citoyen Nyoka, parent de maman Valériane qui me dit que n’ayant pas trouvé écho auprès de papa Sixte, il m’avait suivi pour me soumettre le problème de sa fille Wa Zabanga devenue grosse par ses relations avec Prophile.
Le problème Prophile commença de cette façon là et curieux de lire sa correspondance en provenance de Lubumbashi et destinée à Oscar, je découvris que Prophile était auteur réel de la grossesse. Il recommandait à Oscar Lubinga de faire avorter la fille. Il avait écrit à la fille elle-même, nommée Géorgine une vraie lettre d’amour.
J’acceptai de répondre aux actes posés par Prophile et me décidai à prendre la fille à la maison pour la lui amener à Lubumbashi.
Avant de quitter Kongolo je confiais à ma petite sœur Marthe la responsabilité de la maison et la signature à la banque commerciale zaïroise pour la gestion du guest-house Bouger et Faire Bouger. L’absence prolongée des trains me fit prendre celui qui s’était présenté. Je tenais à être mis au parfum de l’évolution des dossiers traités à Gbadolite et voyageai ainsi peniblement dans le wagon-restaurant de la 1ère classe.
Michel Bulongomoto, Martin, son épouse Milanda et son bébé, Géorgine, la fiancée de Prophile et Elise voyagèrent avec moi.
C’est au bord du train dans les environs de Likasi que j’entendis à la radio la lecture de l’Ordonnance présidentielle me nommant le 31 octobre 1987 en qualité d’Administrateur Délégué Général Adjoint à la Société Nationale d’Assurances.
A suivre