18 Déc, 2015
Texte tiré de l’ouvrage : PROTAIS LUMBU 4. «Mon apport dans le Triomphe de la démocratie multipartiste’ »
Retiré du véhicule sous les coups des militaires, je fus conduit dans un cachot situé sous les escaliers, où je m’étais trouvé saignant avec des habits déchirés. Il fut recommandé à mon neveu venu à la recherche de mes nouvelles de m’amener mon trousseau. A l’agence nationale de documentation, on n’accepta pas le retrait du matelas que j’utilisais. Je devais dormir sur le pavement.
Dallas me rencontra le lendemain pour m’informer que la délégation venue à ma recherche était rentrée à Kongolo sans moi, parce que le Gouverneur de région, le citoyen Koyagialo avait ordonné ma détention pour avoir injurié le Président Mobutu.
Le colonel Mabiala, commandant de la 13è Brigade m’avait présenté ce lundi 5 janvier 1987 aux militaires de l’état major. Le S2 qui eut la charge de me gérer était le capitaine Mutuale, celui-là même qui avait été me chercher en compagnie du commandant de la gendarmerie et de l’inspecteur de l’AND dans mon village de Kayanza. Son adjoint était un lieutenant qui m’avait connu en qualité de dirigeant au campus de Kinshasa alors qu’il était lui-même dirigent à l’Institut Pédagogique Nationale (IPN). Il ne cessait de raconter tout ce qu’il connaissait sur moi. Atteint de cholera, il avait malheureusement trépassé quelques jours seulement après notre retrouvaille.
Il m’avait été remis ce matin de ma présentation une houe pour nettoyer la cour de l’état major. Chaque fois que je voulais me mettre à l’ombre, l’ordre m’était donné de continuer à travailler. Je finis par rétorquer que j’étais un détenu politique et non pas un condamné aux travaux forcés. Sur l’ordre du colonel, ma barbe et ma coiffure m’avaient été alors enlevées brutalement.
Après analyse, je trouvais nécessaire d’envoyer mon neveu Dallas à Mbulula afin d’aller rassurer ma famille et la masse sur mon état de santé et aussi pour me chercher un matelas. Dallas fit ce voyage et eut l’occasion de remonter le moral de ma veuve mère qui était informée de ma persécution et de ma mort probable.
Effrayée à cause de ma détention dans un cachot militaire, Mama Bizuli qui m’apportait à manger à l’AND avait stoppé ses visites. Depuis lors seul l’élève Dallas préparait et m’amenait mes repas pendant que je lui remettais tout l’argent que j’attrapais et le chargeais d’en demander à mes connaissances.
Un collègue de l’université qui était juge permanent au Conseil de guerre, le major Mokako pria à mon jeune neveu de retirer auprès de son épouse un repas chaque fois que j’en manquais. Le colonel Mabiala commandant de la 13è brigade m’autorisa quand à lui de prendre mes repas au restaurant des officiers chaque fois qu’il était ouvert.
Mon horaire journalier était occupé principalement par l’écoute des nouvelles de mon petit poste de radio et par les lectures des revues. Depuis l’and, le major Mokako m’offrait chaque semaine un numéro de jeune Afrique et cette fois-ci, le colonel Mabiala par son S2 me donnait pour lire les revues Express, Paris Match et le Point.
Mes frères de tribu, l’adjudant Sangwa et le directeur de l’école primaire Faz, Gilbert Lwamba me rencontraient chaque fois qu’ils avaient l’occasion de passer à l’état major pour raison de leur service.
De tous les officiers, le capitaine S1 Safari avait été celui qui m’abordait le plus pour discuter avec moi.
A Lubumbashi ayant été informée du changement de lieu de ma détention, mon épouse rejoignit Kalemie. Comme en septembre, elle était avec son bébé Lumbu Muyenga, alias UDPS. Elle s’installa cette fois-ci chez Dallas à Kamukolobondo. Ayant reçu une aide de l’Amnesty International, elle s’était arrangée à m’apporter une contribution. Nous nous entendîmes qu’elle se rende à Kongolo où des nouvelles de plus en plus alarmantes au sujet de la destruction de notre immeuble nous parvenaient. A son retour de Kongolo, elle fit parvenir une note de protestation au Commissaire Sous Régional.
Par la voie des ondes j’appris un jour de mois de mars la nouvelle du décès du fondateur MAKANDA Anaclet à Bruxelles où il avait été amené aux soins médicaux. Selon les milieux de l’UDPS, Anaclet avait été victime de mauvais traitement et c’est avec beaucoup de retard qu’il avait été admis à l’hôpital.
Je me concentrais pour méditer sur notre vie commune mais aussi sur le mauvais traitement dont j’étais moi-même aussi victime lorsque pendant ce choc, il m’avait été rapporté que je devais m’apprêter à effectuer un déplacement pour GBADOLITE.
En effet, le Commissaire Sous Régional de Tanganika m’avait fait parvenir à cette occasion sa note du 9 mars 1987 dont la teneur suit :
REPUBLIQUE DU ZAIRE Kalemie, le 9 mars 1987.
REGION DU SHABA
SOUS-REGION DU TANGANIKA N° 3072/092/M4
Transmis copie pour information aux :
– Citoyen Président Régional du MPR et
Gouverneur de Région du Shaba
Objet : Transmission Arrêté à Lubumbashi
Sous régional – Citoyen Président du Comité
N° 3072/001/87 du Populaire et Commissaire de zone
3 janvier 1987 à Kongolo
Au citoyen LUMBU MALOBA NDIBA
à Kalemie.
Citoyen,
J’ai l’honneur de vous transmettre l’Arrêté Sous Régional n° 3072/001/87 du 3 janvier 1987 portant mesure d’exécution de l’arrêté régional n° 10/107/CAB/PR-MPR/CP/TH/86 du 6 décembre 1986 portant mesure administrative d’éloignement dans votre localité d’origine, Kayanza.
Veuillez m’en accuser réception.
Sentiments patriotiques et révolutionnaires.
LE PRESIDENT SOUS REGIONAL DU MPR
ET COMMISSAIRE S/REGIONAL DU TANGANIKA
Me MOUPONDO MAFUNDJI
MOUVEMENT POPULAIRE DE LA REVOLUTION
REPUBLIQUE DU ZAIRE
REGION DU SHABA
SOUS REGION DU TANGANIKA
SOUS REGION DU TANGANIKA
ARRETE SOUS REGIONAL N° 3072/001/87 PORTANT
MESURE D’EXECUTION DE L’ARRETE REGIONAL
N° 10/107/CAB/PR-MPR/GR/SH/86 DU 6 DECEMBRE 1986
Le Président sous régional du MPR
Vu la Constitution,
Vu l’Ordonnance-loi n° 82-006 du 25 février 1982 portant Organisation Territoriale, Politique et Administrative de la République, spécialement en son article 35, alinéa 2 et 38 in fine ;
Vu l’Arrêté Départemental n° 86-513 du 23 août 1986 du Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et Décentralisation portant affectation des Présidents sous-régionaux du MPR et Commissaires Sous régionaux ;
Vu le Décret-loi n° 1/61 du 25 février 1961, relatif aux mesures de sûreté de l’Etat, spécialement les articles 5 et 7 ;
Vu l’Arrêté ministériel n° 05/02 du 22 avril 1961 portant mesures d’exécution du Décret-loi n° 1/61 du 25 février 1961, tel que modifié par l’arrêté ministériel n° 002/63 du 20 mars 1963 ;
Vu l’Arrêté régional n° 10/107/CAB/PR-MPR/GR/SH/86 du 6 décembre 1986 portant mesure administrative d’éloignement ;
Vu l’Opportunité et l’Urgence,
ARRETE
Art 1er : Le citoyen LUMBU MALOBA NDIBA fait l’objet de mesure administrative d’éloignement dans sa localité d’origine KAYANZA, collectivité chefferie de BENA NYEMBO, zone de KONGOLO.
Art 2 : Il est interdit à l’intéressé de se déplacer en dehors des limites de la localité KAYANZA.
Art 3 : Le Président du Comité Populaire et Commissaire de zone de KONGOLO, le Commandant sectionnaire de la Gendarmerie nationale à KONGOLO, le chef de Poste de l’AND/D de KONGOLO, le Dirigeant de zone de la JMPR/KONGOLO, le chef de collectivité chefferie des BENA NYEMBO et le Chef de Localité KAYANZA, sont chacun en ce qui le concerne, chargés de l’exécution du présent Arrêté qui entre en vigueur le jour de sa signature.
Fait à Kalemie, le 03 janvier 1987.
Le Commissaire Sous Régional Du Tanganika
MOUPONDO MAFUNDJI
En me remettant son arrêté qu’il avait gardé le 4 janvier 1987 lorsqu’il m’avait fait détenir au cachot de l’Etat major de la 13e brigade, le Commissaire Sous Régional avait mis fin à mon état de détenu qu’il m’avait imposé irrégulièrement sur ordre du Gouverneur Koyiagialo.
Je pris la précaution de prendre mon matelas avec moi avant de prendre place abord d’une jeep militaire. Un adjudant chef de S 2 qui avait pour mission de me convoyer s’assit à mes côtés dans le véhicule puis dans l’avion qui nous conduisit à Lubumbashi, d’où de l’aéroport un véhicule nous avait amené à la région militaire.
Je restai gardé à vue à la région militaire pendant que cet adjudant chef fit les démarches pour annoncer ma présence à Lubumbashi. Le soir il me céda au citoyen DE BONGO de l’AND/Lubumbashi qui me conduisit à la résidence GCM de Changelele où je fus rejoint dans l’antichambre par le fondateur Kibassa Maliba, extrait du cachot de T 2 /Lubumbashi.
Lorsqu’on nous fit signe d’entrer dans le salon de la résidence, nous y rencontrâmes le doyen Joseph Ngalula qui s’entretenait avec les deux Gouverneurs respectivement du Shaba et du Kasaï oriental, à l’occurrence les citoyens Koyagialo Ngbase Te Gerengo et Jacques Mpambia. Le Gouverneur du Kasaï Oriental était accompagné de son Conseiller politique KATENDE WA NDAYA.
Nous prîmes ensemble notre repas et fûmes informés du déplacement que nous devions faire le lendemain pour Mbuji Mayi.
Je suppliai le citoyen DE BONGO à me permettre de visiter ma famille pendant quelques temps au quartier Bel Air. Il m’y accompagna lui même tard la nuit. J’avais trouvé mes enfants déjà endormis et me contentai de m’entretenir avec leur maman.
Après cette visite j’avais été placé dans un local situé dans une maison aux environs du bâtiment de cinquantenaire. Devant partager le lit avec le fondateur Kibassa, ce dernier exigea de rentrer à son cachot de T 2.
Le matin avant de voyager, je fus conduit auprès du collègue Ngalula, logé dans une villa de Gécamines et pris mon déjeuner avec le Conseiller Katende tout en réfléchissant sur la différence de traitement qu’il y avait entre nous fondateurs.
C’est par le jet de Gécamines que nos nous déplaçâmes pour Mbuji Mayi en compagnie du Gouverneur du Kasaï Oriental. A sa résidence nous fûmes rejoints par les fondateurs Kanana et Lusanga et prîmes ensemble le repas du soir avant d’être conduits dans une villa Miba.
Logés deux à deux par chambre, je partageais mon lit avec le fondateur Kanana pendant que Lusanga le fit avec Kibassa. Voulant savoir où était logé le fondateur Ngalula, j’appris qu’une villa lui avait été réservée.
Nous prîmes notre déjeuner le matin à la résidence du Gouverneur en nous inquiétant sur l’absence du collègue Etienne Tshisekedi alors que le Gouverneur Mpambia nous rassurait qu’il devait être en route. A un moment donné l’ordre nous fut donné de nous rendre à l’aéroport. Je me tracassai beaucoup sur ce voyage que nous risquions de faire sans Etienne et murmurais auprès de Lusanga que nous devions refuser de voyager tant que notre collègue Tshisekedi ne serait pas avec nous. Entretemps, le fondateur Tshisekedi arriva et ensemble nous prîmes le grand Fokker de Scibe qui nous amena d’abord à Bukavu pour prendre le fondateur Faustin Birindwa avant de nous déposer à Gbadolite. Le fondateur Ngalula n’était pas avec nous parce qu’il avait voyagé à côté du Gouverneur Mpambia dans le jet de Gécamines.
Dans l’avion, nous échangeâmes des nouvelles sur notre persécution. Pendant que les fondateurs kasaïens parlaient de leurs rencontres du lac Mukamba ou de leur vie dans leurs villages, moi et le Président Kibassa nous parlions de nos cachots de S 2 et T 2. Le traitement était différent entre nous et encore plus avec notre doyen Ngalula.
A suivre