17 Déc, 2015
Texte tiré de l’ouvrage : PROTAIS LUMBU 4. «Mon apport dans le Triomphe de la démocratie multipartiste’ »
Dès le lendemain de mon arrivée à Kayanza, je reçus la nouvelle de la fermeture de l’ hôtel Bouger et Faire Bouger à Kongolo sur ordre formel et impératif des instances supérieures. Je réagis par une note de protestation à cette mesure ne visant que ma persécution et celle de ma famille. Cette fermeture avait précédé mon arrestation intervenue le soir du 14 juillet 1986.
Ce jour là, invité à la résidence de papa Mbundu Kalunga Simon pour un verre de lumay may, j’y avais été averti par l’épouse de Léandre, la citoyenne Tupende Chantal de l’arrivée des militaires qui étaient à ma recherche et fus rejoint quelques temps après par mon collaborateur, le citoyen Faustin Kasambi qui était en compagnie d’un militaire. Ils m’informèrent que le Commissaire de zone de Kongolo était à ma résidence.
Ayant dit au revoir à Mbundu, j’avais trouvé le citoyen Mutshipay Kambul qui me présenta le major commandant de bataillon territorial de la gendarmerie pour la sous région de Tanganika et un capitaine portant un béret vert. Il y avait à leur disposition deux véhicules pleins des militaires et un land rover.
Ayant demandé au Commissaire de zone et au commandant de la gendarmerie d’entrer avec moi au bureau, une personne portant les habits civils, que le Commissaire de zone me présenta comme étant son secrétaire y entra aussi. Je dis au citoyen Mutshipay que je savais bien que cette personne devait être de la police politique. C’était effectivement le chef de poste sous régional de l’AND/Kalemie.
Après un bref entretien, le major m’informa que je devais partir avec eux. Je lui avais prié de m’exhiber le mandat d’amener. Il me montra plutôt son ordre de mission.
Certaines personnes s’étant mis à s’opposet à mon départ, j’ai du convaincre l’enseignant Lugoma qui tenait dans sa main une poutre et prêt à passer à l’attaque de ne pas agir. « Je ne veux pas que le sang coule car c’est par la parole que j’aie toujours lutté, je partirai avec eux et discuterai avec qui que ce soit » lui avais je dis.
M’avançant vers les véhicules, un militaire me demanda d’entrer dans le camion rempli des militaires. Je lui répondis que je prendrais place à côté du Commissaire de zone. Ce dernier me laissa entrer dans le land rover et commença ainsi mon voyage vers un nouveau lieu de détention alors que le soleil était au crépuscule.
Le cortège de véhicules s’ébranla tout en étant contemplé par la population alors que les militaires armés jusqu’aux dents étaient mécontents de quitter le village sans extorquer les biens de la population.
Nous nous arrêtâmes à Mbulula pour prendre le Commissaire Sous Régional ad intérim, le citoyen Bondembe Boma Ndjombe qui nous attendait à l’hôtel “ Tulye Mali Tusambale.” Lui ayant demandé de m’autoriser à voir mes parents avant de continuer sur Kalemie, il ne m’avait pas répondu. J’insinuai, qu’il serait regrettable après que j’aie accepté sans problème de quitter Kayanza, je sois obligé de m’opposer à voyager s’il ne me permettait pas de saluer ma veuve mère. Le capitaine qui était le commandant du Bureau 2 de la 13ème brigade des FAZ lui souffla quelques mots et deux militaires furent désignés pour m’escorter.
J’expliquai à ma mère les conditions de mon voyage et partis avec elle chez papa Sixte où je fis autant avant de retourner au véhicule. Ayant trouvé mon petit frère Martin(petit Maloba) qui tenait à m’accompagner en train de crier parce qu’il lui avait été indiqué de prendre place abord du véhicule qui partait à Kongolo et non celui que j’allais prendre, je refusai d’embarquer en attendant que la solution soit trouvée. Il commençait à y avoir un attroupement lorsque il fut autorisé de prendre place abord du land rover. J’y entrai aussi et fis signe d’encouragement à ma mère.
Le véhicule démarra en prenant la direction opposée à celle prise par le Commissaire de zone et les militaires du camp de Kongolo. Il faisait déjà nuit quand on avait atteint la zone de Nyunzu et tard la nuit quand à Pende, le responsable du lieu avait organisé une réception en faveur des autorités de la sous région. Je me trouvais mal à l’aise et surtout très méfiant du repas qui était servi. La nouvelle d’une barge qui venait de couler dans le lac Tanganika occupait toute la conversation de mes geôliers. Nuitamment, le land rover dépassa Nyunzu et atteignit Nyemba, où, le bac attendait la délégation, pour la faire traverser la rivière Lukuga. C’est vers cinq heures du matin que nous arrivions à Kalemie.
L’homme que le Commissaire de zone de Kongolo m’avait présenté comme étant son Secrétaire entra à la réception de l’hôtel du lac. Y sortant il dit quelque chose au Commissaire Sous Régional et aux deux officiers avant que le véhicule ne se dirige vers le bureau de l’and. Il me mit à la disposition des gendarmes de garde pendant que Martin était libre.
Revenu plus tard, l’inspecteur EBULU m’interrogea en prenant soin d’enregistrer mes déclarations. Tout avait tourné autour des activités de l’UDPS et De la milice à mon service. Je lui répondis que je n’avais pas de milice et que l’UDPS prêchait la non violence. Après l’interrogatoire, il m’instruisit de rester dans la cour de son bureau. Je choisis un coin pour m’installer à même la terre avec mon petit poste de radio qui m’aidait à occuper mon temps.
J’avais trouvé à l’and une dizaine de témoins de Jéhovah avec lesquels j’avais partagé mes premières nuits dans un local servant de bureau. Pendant la journée, ils s’occupaient des chèvres de l’inspecteur, qu’ils faisaient boire et paître, le long du lac Tanganika.
Devant mes scandaleuses conditions de détention, l’inspecteur Ebulu me logea pendant quelques temps à l’hôtel du lac. J’y recevais régulièrement le citoyen Masimango dont l’épouse m’apportait quelques fois à manger et eu l’occasion de faire connaissance avec Générose, la cousine de ma belle sœur Anastasie Nyungu. Elle vivait à Kapulo dans sa famille pendant que son père, Olivier, qui était militaire était affecté dans un campement au bord du lac Tanganika.
Dès que l’inspecteur m’avait trouvé un matelas, il m’avait remis à l’and. Je lui écrivis avec copie pour information à sa hiérarchie pour réclamer mes droits à l’alimentation, à la visite, aux soins médicaux, à l’assistance au culte et à la correspondance, mais aussi pour dénoncer la détention des témoins de Jéhovah et les tracasseries administratives qu’avaient connues les activités de mon épouse dans le seul but de porter atteinte à mon moral.
En ce qui concerne mes droits à l’alimentation, il remettait d’abord, de temps à autre à Martin qui le lui demandait un montant pour l’achat des aliments, puis il confia cette charge à son collaborateur qui s’occupait de la phonie, le citoyen Pongo César et enfin se plaignant de la sous région, il ne donnait plus rien et m’avait abandonné à mon propre sort.
Mon jeune frère qui habitait à la cité Kapulo, à la résidence de l’oncle maternel de notre papa, le citoyen Rubbeni Ngombe, remettait tout l’argent qu’il percevait par-ci, par-là à l’épouse de ce dernier, la maman Bizuli, qui se chargeait de préparer quotidiennement mon repas et à me l’apporter.
Peu avant le début de la nouvelle année scolaire Martin rentra à Mbulula pour soit disant s’occuper de notre maman. Son départ coïncida heureusement avec la venue de mon neveu Dieudonné Imbwembwe Yuma alias Dallas qui prit la charge de me représenter et agir à mon nom dans la recherche de ma subsistance. Parfois il m’est arrivé de demander une aide au citoyen Primo, médecin de la place ou à l’homme d’affaires Meka, père de Meschac, ami de Raymond.
Il ne se passa beaucoup de jours que mon épouse informée à Lubumbashi de ce qui m’était arrivée vint me visiter, juste après le passage de Gilbert Ilunga, le gérant du guest house. Ils m’avaient tous apporté une contribution.
Des personnes courageuses, telles que Pascal Katala et Emmanuel Luzige de Mbulula me rendaient régulièrement visite, d’autres étaient intimidées et parmi elles, le gérant du guest qui craignait d’être vu à mes côtés, prétextant qu’il était menacé d’arrestation. Il en avait été de même finalement de Masimango.
Pour ce qui est des soins médicaux, ayant demandé l’autorisation de me faire soigner, l’inspecteur avait ordonné à un gendarme de m’amener aux cliniques. Il n’y avait malheureusement pas d’ophtalmologue pour examiner mes yeux, dont la vue diminuait progressivement ! Je ne cessais de me poser des questions sur la cause ! : Etait-ce suite aux coups reçus en 1982 au T 2 Lubumbashi ou tout simplement pour motif de dormir dans une salle où on n’éteignait pas la lumière ? Etait-ce parce que pendant le jour, assis dans la cour de l’and, j’étais exposé aux lumières solaires même pendant mes lectures ?
Un jour j’y avais rencontré le citoyen Antoine Kasama, beau-frère et ancien gérant de la scierie de mon grand frère Athanase à Kamina. Ayant été sous escorte notre conversation n’était pas aisée.
Je ne reçus pas l’autorisation de me rendre à l’église ni celle de recevoir un prêtre. Contrairement à la situation que j’avais connue à Luiza ou à Makala, aucun prêtre ne vint me visiter.
Au sujet de ma correspondance, le citoyen Ebulu saisissait toute correspondance m’envoyée ou que je tentais d’expédier. Cela ne m’empêchait pas de recommencer à telle enseigne que j’avais pu adresser des notes aux autorités politiques et même aux avocats étrangers, telle que ma lettre de protestation du 13 octobre 1986 dont contenu suit :
LUMBU MALOBA NDIBA Kalemie, le 13 octobre 1986.
Détenu politique à l’AND/Kalemie
République du Zaïre/Shaba
Transmis copie
Aux Maîtres Robert Charles GOFFIN
Objet : Remettre ma famille Et Eric VERGAUWEN
dans ses droits. Drève des Renards
6 Bte 11
B 1180 BRUXELLES
Au citoyen Commissaire Sous Régional
du Tanganika de et à Kalemie
Citoyen Commissaire Sous Régional,
Alors que le texte des constatations adoptées par le comité des droits de l’homme des Nations Unies, le 26/3/86, au titre de paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques concernant la communication n° 138/1983, présenté par NGALULA MPANDAJILA et consort dont moi-même, représentés par Maître Eric Vergauwen et Robert Charles Goffin a proclamé la violation du Pacte par le ZAIRE et l’a invité conformément aux dispositions de l’article 2 du Pacte de prendre des mesures efficaces pour remédier aux violations dont nous sommes victimes, de nous accorder réparation, de mener une enquête sur les circonstances dans lesquelles nous avons subi des mauvais traitements, de prendre à cet égard les mesures qui s’imposent et de prendre les dispositions pour garantir que de telles violations ne se reproduiront plus, il est triste de constater que je continue à être victime.
La mesure de levée de bannissement prise le 21/6/85 et mon acheminement à Kinshasa sans ma famille le 27 et 28 juin 85 a été contrée par mon enlèvement le 14/11/85, aussitôt que j’étais rentré à Kayanza et mon internement à l’AND/Lubumbashi laissant en deuil toute ma famille, dont le décès de mon père par hypertension, a été la conséquence directe du déploiement de l’armée et du langage excessif, usité par l’autorité lors de mon arrestation.
Ayant recouvert la liberté le 31/3/86, je retournai à Kayanza où diverses formalités du deuil m’attendaient.
Le 14/7/86, j’appris que mon immeuble de Kongolo dont une partie était transformée en petit hôtel par mon épouse, était investi par les militaires et lis la décision n° 5072/10/86 du Commissaire de zone, soulignant que l’ordre formel et impératif de la fermeture de l’hôtel, émanait des instances supérieures par le message officiel n° 3072/400/SRT/86 du 13 juillet 1986.
Comme cette mesure est politique, les dépôts et la partie familiale de l’immeuble furent aussi fermés et il a fallu beaucoup de démarches par la CADEZA, pour garder ses bureaux avec l’ordre de ne pas payer les loyers.
Le 17/7/86, j’adressai une note de protestation au Commissaire de zone pour lui dire que l’occupation de mon immeuble, était une violation de mon droit de propriété, étant donné que l’immeuble PC 49 est enregistré à mon nom aux Titres Immobiliers de Lubumbashi/voir certificat d’enregistrement vol. 215, folio 45, Registre journal n° d’ordre général 28111 et n° d’ordre spécial D°/CP 116/. Aussi, l’hôtel appartient à mon épouse, complètement en règle, vis à vis de l’administration et je citai son immatriculation au Registre du commerce et notre Régime matrimonial qui est celui de Séparation des biens.
Le Commissaire Sous Régional ad.intérim, le citoyen BONDEMBA BOMA NDJOMBE dépêché par le Gouverneur pour m’arrêter, voulant d’une manière erronée, justifier la décision de fermeture de l’hôtel, sans examen minutieux du dossier, prétendit dans sa lettre n° 3072/0002/Rtc/H 37 du 21 juillet 1986 que l’hôtel devait au Trésor Public depuis son ouverture en 1982 à titre des taxes et redevances.
Le Commissaire Sous Régional avait ignoré que mon épouse LUMBU SAGALI dépendait du centre de Négoce de Kongolo, jusqu’à la date de son immatriculation au Registre du commerce, greffe du tribunal de Grande Instance de Lubumbashi au n° d’ordre 2253, le 11 mars 1986. Sa dernière patente, celle de 1985 porte le n° 6/073/KGLO/ENI/85 et le payement de la taxe annuelle, celle du chiffre d’affaires et à l’OPEZ se prouve par la quittance n° 929385 lui délivré : Il en est de même de la taxe rémunératoire et au fond de promotion hôtelier dont le payement de la tranche du 3e trimestre 1985 est constaté par la quittance n° 931338.
A ses obligations régulières, s’ajoutent les cotisations et l’offre des loyers gratuits aux personnes recommandées par la police politique ou le Commissaire de zone et à titre exemplatif, je ne citerai ici que les cas de DJUMA SELEMANI et sa famille ou des citoyens MUTONKOLE et MUTAND YAV de l’OEZA/JMPR/Shaba, dont les factures établies pour un séjour d’un mois n’ont jamais été honorées.
Je me trouve depuis près de trois mois en détention sans jugement ni condamnation et le pouvoir ne veille ni à mon alimentation, ni à mes soins hospitaliers. Les intimidations à l’endroit de mes visiteurs ont écarté de moi, les bienfaiteurs éventuels. Ayant été torturé à Lubumbashi le 9/03/82 au cachot de T 2, je garde les séquelles au niveau des oreilles, du pied gauche et surtout de mon œil gauche souffrant gravement actuellement. Un examen adéquat auprès d’un ophtalmologue s’avère indispensable mais toutes les demandes introduites pour un transfert à un centre, où il y a un spécialiste et le support par l’Etat des frais hospitaliers et pharmaceutiques restent sans suite. Il se pourrait que je devienne bientôt borgne mais aussi que je décède suite à la sous alimentation, des mauvaises conditions de détention ou d’une épidémie quelconque qui guette tant tous les nécessiteux.
Mon épouse et mes enfants continuent à rester à Lubumbashi où, ils m’avaient suivi lors de ma détention de novembre 85 à mars 86, pendant que ma veuve mère et mes jeunes frères désormais sous ma responsabilité directe sont à Mbulula. Les uns et les autres n’osent me rejoindre parce qu’ils savent que le changement régulier des lieux de ma détention a pour but de déstabiliser mon foyer et faire manquer une sérieuse formation scolaire à mes enfants et frères pour l’unique raison de l’intolérance politique.
Si la justice actuelle ne remet pas ma famille dans ses droits, je suis sûr et certain cependant que l’histoire ne gardera pas quant à elle, le silence.
Signé/LUMBU MALOBA NDIBA
Un des fondateurs de l’UDPS
Certains événements me permirent de traduire ma pensée. Il en était ainsi lors de l’entretien que j’avais eu avec le Général MAHELE pendant son séjour à Kalemie, du contenu de ma note au Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et à la Décentralisation, le citoyen MWANDO NSIMBA de passage à Kalemie et à l’occasion de mes rencontres avec le Commissaire Sous Régional du Tanganika, le citoyen MOUPONDO MAFUNDJI.
Au sujet de l’entretien que j’avais eu avec le général Mahele, il faisait déjà noir lorsqu’une jeep militaire abord duquel se trouvait le citoyen Ebulu vint me prendre à mon cachot pour une destination que je ne connaissais pas. Lorsque les militaires me demandèrent de pénétrer dans une villa de Filtisaf, c’est alors que j’appris que j’allais rencontrer le Général Mahele.
M’ayant demandé de prendre un verre de Tembo, je n’acceptais pas prétextant que mon état de détenu ne me permettait pas de jouir d’un tel luxe. Le Général m’informa qu’il avait vu au Kasaï mes collègues anciens parlementaires et de ce fait pendant son passage à Kalemie il avait souhaité me faire réfléchir sur ma situation. J’étais encore jeune et ce qu’il me fallait était de travailler pour aider ma famille dont les petits frères étaient à ma charge. Il renchérit qu’il connaissait le citoyen Ngalula dont les enfants étudiaient à l’Athénée de Gombe dès avant l’indépendance et dont la vie était aisée tout comme Tshisekedi, qui à Mbuji Mayi lors de la présentation de l’hymne national, “la Zaïroise,” portait encore la toque et la canne comme le Président Mobutu.
Le Général me demanda de réfléchir parce que même la maison de Kongolo que je disais mienne, il allait la prendre pour y mettre ses services. Lui ayant assuré ma conviction à la lutte pour la démocratie, il m’apprit que le lendemain il allait visiter les militaires au front dans les montagnes le long du lac Tanganika et qu’il m’amènerait pour que j’aille me rendre compte des souffrances des soldats, enfin il m’autorisa de repartir.
Je lui remis une copie de ma lettre dans laquelle je me plaignais des mes conditions de détention et du comportement du citoyen Ebulu qui arrêtait les témoins de Jéhovah et les soumettait aux corvées. Mis au courant de cette lettre, l’inspecteur se fâcha énormément contre moi et ordonna qu’on ne me visite pas et surtout qu’on m’arrache toute correspondance qu’on pouvait me surprendre avec. Le Général Mahele quant à lui, ne m’envoya pas le véhicule pour me chercher le matin afin que je me rende au front ! Cette nouvelle avait fait affirmer d’aucuns que si j’étais parti, j’allais y être exécuté.
En ce qui concerne ma note au Commissaire d’Etat Mwando Nsimba, ayant appris qu’il allait recevoir les gens lors de son séjour à Kalemie, j’écrivis une note dans laquelle je lui demandais de mettre un terme à la persécution ordonnée par le Gouverneur, dont j’étais victime pendant que certains de mes collègues continuaient à séjourner calmement dans leurs villages d’origine et que d’autres étaient libres. J’avais chargé mon jeune neveu Imbwembwe de lui amener cette note et si possible de m’apporter la réponse, que j’attendis en vain.
Le passage du citoyen Mwando avait eu lieu peu après l’arrivée massive des Bena Lulenge à Kalemie. Ces tusti venaient d’Uvira pour partir s’installer dans les Vyura, zone de Moba. Ils avaient été gardés pendant un temps à l’agence nationale de documentation, temps pendant lequel j’y avais été extrait pour être logé à l’hôtel du lac.
Il m’avait été rapporté que l’ordre de les relâcher était venu des autorités de la Territoriale. Etant donné que Mwando était Gouverneur du Kivu avant de devenir Commissaire d’Etat à l’Intérieur, certaines langues affirmaient que cela se faisait avec sa complicité.
Pour ce qui est de mes rencontres avec le Commissaire Sous Régional MOUPONDO, lorsque j’appris que la sous région de Tanganika venait d’avoir un nouveau Commissaire Sous Régional qu’était un juriste comme moi, j’avais fondé beaucoup d’espoir en ce nouveau venu, parce que je me disais pouvoir découvrir une vieille connaissance de la faculté ou du barreau. Toutes mes demandes pour le rencontrer n’obtinrent pas gain de cause et pourtant pour l’agence nationale de documentation, je dépendais du Commissaire Sous Régional. C’est donc lui qui devait répondre à mes besoins d’alimentation.
Alors que mon épouse en provenance de Lubumbashi était venue me visiter, j’attendais d’être appelé par l’inspecteur auprès de qui j’avais formulé une demande d’audience. Celui-ci malgré l’acceptation me signifiée le matin quitta vers 14 heures sans m’appeler, ce qui me révolta et me fit décider de le joindre dans la cour. Au sujet de mon alimentation, il me répondit qu’il n’en pouvait rien et que la sous région ne lui donnait rien, je lui avais alors demandé de me laisser partir à la sous région poser moi-même ce problème, ce qu’il refusa. Je me mis à lui démontrer que ma détention par lui ne reposait sur aucune base légale, étant donné qu’à plusieurs reprises sa hiérarchie avait affirmé que j’étais à la disposition de la territoriale. Il fallait qu’il refuse de me garder, comme il n’avait pas de possibilité de me nourrir. Je conclus enfin que c’était dommage qu’il n’était pas lui même un juriste mais plutôt un ancien de l’Institut Pédagogique Nationale (IPN), formé en anglais, c-à-d, un professeur qualifié qui devait donner cours aux élèves qui en manquaient au lieu de se mêler aux problèmes auxquels il n’avait pas la compétence voulue.
Fâché, il donna l’ordre à ses collaborateurs de me mettre au cachot. Ainsi Baruani et les gendarmes se saisirent de moi et malgré ma résistance, ils me jetèrent dans le cachot en compagnie de mon épouse sans son bébé. Celui-ci se mit à pleurer tellement, que Dallas l’amena au bureau du Commissaire Sous Régional et revint enlever le bois servant de fermeture à la porte du cachot, sous les yeux complaisants des collaborateurs de l’inspecteur. Sorti du cachot, je me mis à courir vers le bureau du Commissaire Sous Régional, suivi des gendarmes et de mon épouse. Y étant entré brusquement, je trouvai ainsi pour la toute première fois mon soit disant confrère du Barreau de Kinshasa, Maître Moupondo, qu’était en pleine conversation avec le citoyen Ebulu. Il donna un peu d’argent ce jour et promit de mieux suivre le dossier tout en me demandant de rentrer à l’and.
Ayant reçu un peu d’argent d’un bon samaritain, je me mis à m’arranger avec les gendarmes pour fréquenter certaines nuits les débits de boissons situés dans le quartier Kamukolobondo et fêtai la Noël en bonne compagnie. Certaines personnes croyaient que j’étais le frère de l’opérateur de phonie, César, qui habitait avec sa famille dans l’enclos de l’and. Pour la postérité, j’avais posé avec ce dernier mais aussi avec mon épouse, notre enfant Lumbu Muyenga alias UDPS, mon neveu Imbwembwe alias Dallas et maman Bizuli Mulega, les photos ci-dessous :
L’inspecteur ne se plaignit pas d’une manière ferme de ce comportement affiché. Il se vérifia quelques jours après que je ne devais plus être gardé à l’and.
En effet, le Gouverneur de la région du Shaba ayant ordonné mon retour à Kayanza depuis le 6 décembre 1986, le Commissaire Sous régional avait convoqué le Commissaire de zone et le Commandant de la Gendarmerie de Kongolo, le Chef de Collectivité de Nyembo et le Chef de Localité de Kayanza pour les instruire de mes nouvelles conditions de bannissement.
Le lendemain du nouvel an 1987, les bruits faisant état de l’arrivée à Kalemie du Commissaire de zone de Kongolo pour me prendre couraient, mais cela ne se concrétisa que le 4 janvier 1987.
Extrait du lieu de ma détention pour le bureau du Commissaire Sous Régional, j’y avais trouvé une assemblée dans laquelle se trouvait aussi le chef de localité de Kayanza, le citoyen Mukalamusi. Ayant pris la parole, le Commissaire Sous Régional m’avait signifié qu’il me mettait dans les mains du chef de localité de Kayanza et à cet effet, il avait signé une décision dont il lit le contenu.
Après l’avoir entendu je lui avais posé des questions au sujet de mes biens. La réponse qui m’avait été donnée était que mon immeuble de Kongolo restera fermé et que l’hôtel Bouger et Faire Bouger ne pouvait pas ré ouvrir ses portes.
En me demandant de ne pas quitter les limites de Kayanza tout en ne permettant pas à ma famille de jouir de son immeuble, l’autorité de la territoriale ne visait qu’à porter atteinte à mon moral, celui de mon épouse et de mes enfants.
Je condamnais énergiquement la décision du Gouverneur et me mis à invoquer en cette journée du 4 janvier, Patrice Lumumba et tous les martyrs de l’indépendance d’intervenir pour donner au peuple la démocratie qui lui était confisquée.
Sorti du bureau, je vis venir une jeep qui débarqua des policiers militaires qui se saisirent de moi, me brutalisèrent et me jetèrent dans le véhicule qui me conduisit au cachot de l’Etat Major de la 13 è Brigade des forces armées zaïroises.
A suivre